Si
le mois d'août à Paris ensable autant les engrenages de la machine urbaine que
les berges de la Seine, cette dernière semaine a une saveur particulière. A
vrai dire, c'est elle, la semaine qui concentre tous les fantasmes que j'avais éconduits tel un automobiliste frustré
d'être privé de récré. Une poignée de jours, presque d'heures, où les parisiens
ne sont pas encore tous rentrés, où les touristes ne sont pas encore tous
partis, où les travaux commencent à finir et où, loin de la vilaine torpeur du
début du mois, il fait beau mais juste assez pour accompagner le crépuscule de
la gratuité du stationnement. D'où le théorème : quand les congés sont payés,
les places sont gratuites. C'est une douce pré-rentrée, une belle sortie de
bain où l'on profite vraiment des bénéfices aoûtiens en respirant le parfum du
goudron neuf.
Il
ne le restera pas longtemps. Dès la semaine prochaine, nous pourrons dire en
chœur cette phrase culte : "ça y est, ils sont tous rentrés". Ce ils
tonne dans la chambre que nous croyons avoir construite autour de nous quand
nous sommes au milieu d'une foule dense dont, par magie, nous ne faisons pas
partie car nous, c'est pas pareil. La grégaritude nous enveloppe et cet ils-lusoire
et frêle anticorps linguistique joue son rôle en boutant notre ennemi,
c'est-à-dire le type dans la voiture de gauche et celui dans la voiture de
droite, autrement dit le stéréo-type.
Du
ils aux elles, sans passer par -M-, il n'y a qu'un atoll, elles sont
si habiles pour alléger leurs étoles. C'est la semaine du concours de bronzage,
à se demander si les cinquante et une semaines qui précèdent et les cinquante
et une qui suivent ne sont pas qu'un exercice de répétition pour cette îlot de
beaux jours où leurs atours s'effacent (les atours qui s'écroulent, c'est du
déjà vu). Les terrasses sont pleines et les robes sont légères sur les peaux
caramélisées au sel de Guérande. L'air de rien, semblant que c'est pas exprès,
ou parfois si, c'est un moment de délicieuse coquetterie féminine et ça nous
pique les yeux. Merci aux fées de faire de nous des Abel Tiffauges
envahis par ce "vertige féminin que le destin vous envoie pour vous faire
succomber". Une légèreté souvent payée au prix fort d'un Paris-Toulon en
dix-huit heures, mais ça valait la peine. Pour trouver le spot où sa peau
dorera, l'exploratrice-chercheuse dort.
Je
savoure ce répit dans la tectonique des hémi-stress de l'année. Regarder,
respirer, lire, réfléchir, marcher, boire la bière que j'ai ramenée des
vacances parce que c'est la meilleure du monde, courir, sourire en lisant ceux
qui annoncent la fin de la crise (ne dites plus 'économiste', dites 'Houdini'),
pleurer en pensant aux banques centrales, admirer la lucidité de Margerie. Cette quiétude éphémère est
le petit espace privilégié avant de rentrer dans l'espace-temps du
pas-le-temps. Lundi commencera la semaine du concours de celui qui débronze le
plus vite, nous redeviendrons des clowns blancs.
Toi tu nous fais une dépression post-Vacanssum...
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