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Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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vendredi 25 janvier 2013

Footsulting

Dingue ça ! Alors que je fignole un billet sur les journalistes - ça fait deux fois que je le dis, si c'est pas du suspense - un blogueur affilié au Monde, enfin à www.lemonde.fr car ce n'est pas tout à fait la même chose, vient de poster un billet analysant une créature hybride, sorte de synthèse entre le journaliste et le consultant. Un Maniballe en quelque sorte. Il a aussitôt généré un sursaut d'indignation. Je vous le dis tout de go, j'ai bien rigolé. Instructif, perspective, humour qui tacle. What else ?

Je ne résiste pas à saisir la balle au bond, vous comprendrez pourquoi : but !

mercredi 16 janvier 2013

Manimal existe, je l'ai rencontré

Vous vous souvenez peut-être de cette série des années 80, Manimal, qui préfigurait ce qui allait devenir le morphing. La série raconte les aventures d'un justicier champion du monde de thérianthropie, c'est-à-dire la faculté d'un être humain à se transformer en animal et inversement. Avec nos yeux d'aujourd'hui, les effets spéciaux semblent préhistoriques, mais si l'on remet les choses dans leur contexte, ils étaient fort audacieux pour l'époque.

L'allégorie zoologique n'était pas anodine, car j'ai un scoop pour vous : Manimal existe. Il prolifère dans les régions urbaines d'Europe occidentale, et particulièrement sous le climat français. Il se plaît et se révèle partout où il y a du monde. Par exemple, il se réfugie dans les transports qui lui fournissent un territoire idéal pour opérer sa transformation. Voici trois situations où vous êtes certains de le rencontrer.

Manimal en train
Si vous passez par la gare St. Lazare un matin de semaine entre 8h30 et 9h, vous verrez une excellente illustration de ce que l'on appelle le chaos. Dès le départ, une densité de gens théoriquement inatteignable et pourtant bien atteinte sur les quais donne le ton. La compression, la promiscuité, c'est le signal, le stimulus de transformation du commuter moyen en Manimal. "Train à l'approche", dit le panneau. Ne tombez pas dedans : tantôt gros boeuf, tantôt renard, le Manimal se faufile pour pénétrer avant vous le poulailler roulant et gagner ses 10 cm² de lebensraum. Le stress appelant le stress, votre voisin de banquette, étudiant endormi, cadre pensif, commerçante romantique, devient aussi sympathique qu'un sanglier solognot que vous auriez réveillé par un grand coup de pied dans les roustons, le tout en moins de temps qu'il ne faut à Lance Armstrong pour grimper à l'Alpe d'Huez. Par un réflexe aussi canin que pavlovien, la vue du logo RATP (ou SNCF, ou...) fait sortir ses crocs, reliquat de son séjour sur l'île du Docteur Moreau. Visage fermé sur une grimace qui signifie "fais pas chier", casque lourd sur les oreilles, Manimal enroule son 20 Minutes façon matraque et gueule "Vous pouvez avancer dans le fond ?!" et "Vas-y écrase moi les pieds !" à tout bout de champ. Le voyage est donc souvent le théâtre de ses envolées lyriques, engueulades et embrouilles en tous genres parsemées d'une cohorte d'onomatopées délicieuses. Un peu comme dans un bureau de Poste qui roule, en fait... Important : on reconnaît le vrai Manimal du train à ce qu'il ne se lève pas en voyant une personne âgée ou une femme enceinte. Pas plus qu'il n'attend que le train se vide pour monter dedans. Le Manimal est myope comme une taupe et vous évite toujours du regard. Vous aurez remarqué que la récente campagne de communication de la RATP illustre le présent sujet, sans qu'il n'y aie, je le jure, de rapport de causalité.

L'arrivée en gare, épilogue de cette inhumaine transhumance, est le point culminant, l'apogée apologique du concept de troupeau. Quasi-impossible de descendre, au point que l'on va plus vite en remontant le train par l'intérieur qu'en tentant de mettre un pied sur la plate-forme. C'est à peu près aussi logique que de manger des sardines en boîtes avec une paille. Dans un bruit sourd de piétinement, se déroule une guerre des nerfs et des coudes, sur ce fameux quai. Quiconque a fait de la mécanique des fluide en seconde sait qu'une goutte d'eau ne peut pas s'échapper de la bouteille plus vite que celle qui la précède. Il y a pourtant, chaque jour, des gros malins qui s'élancent en une sorte de slalom spécial pour doubler coûte que coûte et gagner, in fine, 2 mètres. Cette variante de Manimal est le Manimal con et silencieux. On le reconnaît au casque "b" bariolé qu'il porte souvent, pour vous montrer qu'il revendique de rester dans son monde même quand il interagit avec le vôtre. Dans le hall d'arrivée, des milliers de spermatozoïdes banlieusards tout juste éjaculés du quai bondé s'entrechoquent sans la moindre logique, et sans la moindre attention non plus, convaincus qu'ils sont qu'il n'y a pas d'autre moyen que de foncer dans le tas. Manimal a de l'ADN de gnou. Une fois lancé, il vous écrasera vous et votre famille entière, sans réfléchir.

On reconnaît donc le Manimal ferroviaire à ce qu'il est bourrin, et fier de l'être.

Manimal en avion
Bourrin également, il l'est en avion. A l'embarquement, il est incapable de faire la queue (cette caractéristique le suit à peu près partout, et c'est bien à ça qu'on le reconnaît : le Manimal évolue en coupant sa queue). Il a pourtant sa place assise garantie - même sur Easyjet, on n'a encore jamais vu personne voyager debout - mais il se comporte comme s'il fallait qu'il soit le premier à entrer puis à sortir de la carlingue. On assiste donc ici encore à la transformation de ces personnes normales sans être présidentes, familles, couples, hommes d'affaires etc., a priori civilisées, mais justement, a priori. Des années d'observation méticuleuse m'ont fait conclure que le Manimalus airbus se comporte ainsi par peur de ne pas avoir la place pour mettre sa valise dans le coffre au-dessus de son siège. Outre qu'il est incapable de faire la queue en général et de respecter les consignes de gabarit des bagages en particulier, il jouera de tous les stratagèmes pour se retrouver premier à présenter son boarding pass, même s'il est assis au 26F et que l'on appelle en priorité les passagers des rangs 1 à 10. En général, il commence à s'approcher du guichet quelques minutes avant l'appel, pour poser une question bidon, du style "bonjour, c'est bien l'avion qui s'arrête à La Défense ?". Puis, il reste là, fait mine de regarder le panneau d'affichage et hop, dès que l'hôtesse saisit le micro, il est déjà là dis-donc !

Pendant le vol, le Manimal s'entraîne à faire comme au Club Med : j'ai payé, j'y ai droit. Il demandera donc systématiquement du champagne. Quitte à passer pour un snob, je vous expliquerai un jour que les marques servies par les compagnies aériennes (en éco) et l'effet de l'altitude sur les bulles font que c'est la dernière boisson à consommer en vol, sauf si vous tenez aux aigreurs d'estomac. Mais le Manimal il s'en fout, il a payé, il y a droit.

Lorsqu'il atterrit, c'est la course pour être le premier à glander en attendant les bagages. Par un réflexe curieux que Gad Elmaleh a fixé beaucoup plus gentiment que moi (ici à partir de 0:43"), il ne peut s'empêcher de tripoter tous les bagages, persuadé qu'ainsi le sien arrivera plus vite que les autres.

La queue pour les taxis... Pas grand chose à dire, sinon que c'est un oxymore.

On reconnaît donc le Manimal avionique à ce qu'il est bourrin, et fier de l'être.

Manimal en voiture
Le bon père de famille, la ménagère de plus ou moins 50 ans, la gentille grand-mère, votre pote super cool... Toutes ces personnes sont réputées équilibrées, éduquées, mais pour elles comme pour les pires cailleras, la conduite d'une voiture devient un exutoire hypnotique plus ou moins volontaire dans un monde qu'ils savent pourtant saturé de bagnoles. Ainsi c'est en voiture que la transformation en Manimal est la plus courante et la plus virulente. En effet, contrairement aux deux Manimaux précédents, la conduite est le seul cas où le Manimal est actif. Cela amplifie son caractère violent.

On reconnaît le Manimal automobiliste à son utilisation systématique et répétée du "ils". Il a toujours une bonne raison, il est différent, il est au-dessus, convaincu qu'il est de ne rien avoir à voir avec la foule qui l'entoure, tel un poisson rouge dans son bocal arrêté au feu, rouge également. Alors il décrit ce qu'il voit avec cet étrange article qui lui sert de joker, de passe-droit, de défaussage majeur.
Un embouteillage ? Mais qu'est-ce qu'ils font là tous ces cons ? La même chose que toi mon ami.
Il a le droit de rouler lentement parce qu'il l'a décrété, mais qu'est-ce qu'ils ont tous ces excités ?
Il a le droit de speeder car il est pressé, mais ils font chier à tous rouler à 2 à l'heure.
Il a le droit de s'arrêter en bloquant la circulation, mais qu'est-ce qu'ils foutent ces cons de livreurs ?
Il a le droit, dans un bouchon, de passer au feu orange et ainsi bloquer tout un carrefour pour rien, mais s'insurge quand ils mettent en place des radars aux feux tricolores.
Il doit prendre cet appel urgent alors qu'il conduit, mais ils sont dangereux tous ces gens qui téléphonent au volant !

Son cri caractéristique est très facile à reconnaître : "Tagueule connard !". On l'entend avant de le voir, pas de doute, c'est bien lui, c'est bien elle. Car il y a chez cette variante de Manimal autant de femmes que d'hommes, c'est un fait. Et les plus vindicatifs ne sont pas ceux que l'on croit. Nombreuses sont les Manimalettes développant le syndrome CTS ou CTM : clope - téléphone - Smart ou clope - téléphone - Mini. Si le Manimal au volant s'apparente à un porc incivique et incompétent, la Manimalette est sans conteste sa truie. Souvent, elle a une crinière blonde et un bronzage outrancier, et elle glousse avec cet accent si particulier de pétasse : "J'en ai pour 2 minutes".

On reconnaît donc le Manimal automobiliste à ce qu'il est bourrin, et fier de l'être.

Ce matin, en me rasant, je suis tombé nez à nez avec un beau spécimen de Manimal. Il était là, dans le miroir, me regardait, l'air hébété. On reconnaît donc le Manimal à ce qu'il écrit comme un âne, pourvu qu'il fasse des émules.

jeudi 3 janvier 2013

Bonne année mon cul

Que Pierre Desproges me pardonne, je n'ai pas résisté à lui emprunter le titre de sa Chronique de la haine ordinaire tant les voeux me pèsent.

Y aura-t-il moins de drames, moins de cyclones, moins de Mohamed Merah, moins de cancers en 2013 ? Non, évidemment. En revanche il y aura toujours plus de caméras. Pris dans cette spirale, les voeux s'apparentent davantage à une incantation de survie. Complément de citation du même : "qu'est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassées d'imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l'inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père-Lachaise..."

Le protocole est tellement galvaudé que l'on se demande pourquoi et comment tant de gens peuvent encore s'y plier. Quand on y regarde de plus près, il s'agit plus de prononcer la formule que de véritablement souhaiter quoi que ce soit. J'ai même reçu des sms comportant "bonané"... Vous me direz : c'est décalé donc drôle. Ca se discute.

Quant à l'excitation du 31 au soir, elle donne à réfléchir. C'est une occasion de faire la fête et d'illustrer l'étymologie de l'expression "se mettre sur son 31", mais c'est surtout le prétexte à un gigantesque ethylocide. Le côté stralopithèque de l'évènement me coince le bouchon de champagne là où d'autres ont la tête un lendemain de soirée...

Les cartes de voeux, c'est la corvée. Ecrire encore et encore les phrases standards et insipides, qui, comme les formules en bas des lettres, ne se remarquent que quand elles sont absentes.

Est-ce une raison pour ne rien souhaiter ? Je crois que non. Derrière ma réaction exacerbée, il y a une volonté farouche de penser ce que l'on dit, et inversement. Chacun sait à quoi s'en tenir et nous restons sensible à cette attention, petite ou grande, dite ou écrite, sincère ou pas. Une sorte d'amulette vocale qui défie le défilement inexorable des "frêles secondes" que Pagnol nous décrit avec génie.

Je vous souhaite donc, non pas une bonne année, mais 31.536.000 secondes de bonheur en 2013, et si les 60 que vous avez utilisées pour lire ce billet ont rempli cette mission, c'est un voeu que vous m'exaucez.