Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
Retrouvez-moi sur Facebook

jeudi 30 juillet 2015

Privé de voyage

Autant le dire tout de suite, le tourisme, c'est de la merde. Je sais, c'est une immense porte ouverte, mais elle grince dans ma tête depuis si longtemps qu'il me fallait la défoncer à tout prix. Et le prix justement, c'est la clé. Les sirènes des sites bidule-privé-point-com (cette manie d'être privé de tout !), qui attirent le chaland en vendant des voyages de riches à des tarifs de pauvres, ont pris le pouvoir. Ils ont cassé les prix, les autres ont tout compris grâce à cette formule digne d'Harry Potter, all inclusive. On voit le résultat sur les moldus.

Au terme d'un voyage nocturne et compressé dans ces bétaillères que sont les avions charters, les hordes aussi bruyantes qu'hébétées débarquent dans les lieux hauts de gamme qui, pour assurer la rentabilité, font des compromis sur la clientèle comme on ouvre les valves d'ajustement de pression dans un barrage. Pour tenir sa promesse dès l'aube, le palace doit se travestir en club Marmara. Le peuple migrateur inonde la place et soudain le lobby se remplit d'une ambiance de camping à laquelle il n'était pas habitué. C'est la vague du popu-l'eau qui sent le pastis.

On les reconnaît à plusieurs signes distinctifs, au premier rang desquels figurent, non, plus les claquettes Arena, mais les marques qu'ils arborent fièrement dès le premier petit déjeuner. Là encore, ça sent les sites promotionnels à plein nez, qu'ils ont dévalisés pendant les soldes dans l'unique but de se pavaner autour de la piscine tels des papagayos. Où que le regard se porte, à 360 degrés, vous n'échapperez pas aux accoutrements Superdry et Hollister, couleurs criardes et coupes approximatives, mais bon, faut comprendre, le Rana Plaza n'est pas fini de reconstruire. Cette année, les t-shirts Abercrombie&Fitch rasent les murs... Et l'on reconnaît les gens du Val d'Oise au marcel Jack&Jones qu'ils ont acheté au Marques Avenue de Franconville...

Ça contraste avec l'air désabusé et hautain des habitués du lieu. Ne vous laissez pas impressionner. Ce sont des Patrick Chirac en puissance, justement, avec plus de fric. Le test ultime, c'est la bouffe. Mettez n'importe lequel de ces individus face à un buffet, vous verrez qui il/elle est vraiment. Dans cette configuration, riche ou pauvre, on est tous le même animal, homo beaufus. Et les seuls qui grugent dans la queue, c'est qui, hein, hein ? Ben oui, c'est les français, vindicatifs et gueulards avec leur esprit "j'ai payé, j'y ai droit" que le front populaire a bien vissé dans leur adn. Même les italiens sont médusés.

J+1, après quelques étalages oléo-crémo-gélo-puants, les ados exhibent leur narcissisme boutonneux dans des maillots mini- ou maximalistes, mais toujours disproportionnés, pendant que leurs mères, quadras mures ou jeunes quinquas, se toisent dans un défilé de couleurs claires de femmes, dévoilant leurs vergetures, ou pas, selon qu'elles se prennent pour des égéries de chez Mixa Mémé.

J+2, on prendra soin de réserver son transat avant le petit déjeuner en posant quelque effet personnel dessus. Le summum du glauque.

J+X, on entamera les visites et autres circuits pour gogos. En bateau, en car ou en voiture, par leur unique présence, ils abîment tous les paysages. Le troupeau ne se perd jamais de vue et déferle dans les magasins qui les attendent à camelote ouverte.

Allez, courage, ça va durer 15 jours, vous êtes prévenus. Enfin... On est tout de même mieux dans cet hôtel penta-stellaire qu'à devoir se battre pour son mètre carré de sable pisseux à Palavas-les-Flots.

Le business du tourisme, c'est une arme de beaufisation massive. Finalement, cette fusion des genres entre un tourisme pour riches flattant l'ego d'une poignée de crétins méprisants qui croient que tout le monde a les moyens d'être insouciant, et l'illusion vendue au plus grand nombre, n'est pas illogique. Les uns paient pour de l'isolement, les autres immolent leurs économies pour entretenir leur cohue matricielle tout en lorgnant sur les goûts des premiers. A force de placarder toujours les mêmes photos sur les murs du RER depuis quarante ans, le tourisme est devenu un soft djihad, car s'empiffrer après l'abreuvoir pré-dînatoire est une religion. En route pour cette croisade moderne, façon de continuer à se bousculer, mais de son plein gré. Tout ça pour du sable.

Jean-Marc, tu nous manques.
Copyright Reiser, On vit une époque formidable, 1976


Bon, il faut que je vous laisse, il est 19 heures, le restaurant ouvre, j'y vais maintenant sinon il va y avoir du monde comme à midi une à la cantine.

mercredi 1 juillet 2015

Je retiens un (plaidoyer pour un manager)

C'est la saison des évaluations de fin d'année. J'aime bien cette période, tout le monde est dans l'expectative et cache plus ou moins habilement sa fébrilité en attendant le fin mot, qui en général est un chiffre, et pour certains le mot de la fin. De manière quasi-inexorable, l'issue du process creuse le fossé entre le manager et ses équipes (j'adore les gens qui disent "mes équipes", ça fait tellement plus important que "mon équipe", on croirait qu'ils dirigent des légions romaines) tant ces dernières vivent comme une injustice absolue de ne pas être à l'école des fans. Sauf évidemment quand le premier s'entoure de sbires, comme c'est le cas du mien. Il a sbires, il est clanique, Sbire 2000, Sbire 2000... Dans le monde du travail tout est affaire de bandes, comme dans les cours de récré et les tombeaux égyptiens, j'y reviendrai, en attendant Bring me the network king.

S'agissant de réseaux, on trouve le reflet de cette mièvrerie salariale sur les pages de Linkedin qui dégoulinent d'incantations plus ou moins pleurnichardes envers cette créature chimérique appelée "Leader". Moi, le dernier leader que j'ai vu à la télé, il s'appelait Maximo et il ne m'a pas donné envie de fumer des havanes. Mais à Manageland, le boss est un vilain, le leader est un gentil. Ce qui pose implicitement le postulat que tous les managés sont des gentils. Qu'un nombre incalculable de managers, pardon, de chefs d'équipes, soient des névrosés professionnels voire des pyschopathes avérés qui déversent des hectolitres de stress sur leurs subordonnés, ce n'est pas tout à fait faux. Dire qu'ils le sont tous, c'est encore moins vrai. Promenons-nous un peu dans les couloirs...

Il est de bon ton, aujourd'hui, de décrire le mideul manadjeur comme le contremaître du XXIème siècle. Quelque part entre Koh-Lanta et Caméra Café, il est en version industrielle, ce que le peloton est au Tour de France, ce que le sous-officier est à l'armée : un élément clé du dispositif qui accepte ce rôle ingrat de ciment des troupes, tout en sachant qu'il n’accédera jamais au poste de commandement malgré le D qui entretient cette illusion dans le grade sur sa carte de visite (DAF, DSI, DRH, voire même Dégé). A ce titre il ne faut pas confondre celui qui a commencé tout en bas de l'échelle et qui est arrivé tout en haut, avec celui qui arrive au milieu et qui restera collé dans ce ventre mou toute sa vie extra-utérine. Le manager est un médiateur inlassable entre actionnaires et salariés, ces peuples voués à s'entendre comme un poisson avec une bicyclette. Comme son homologue alcoolique, l'adjudant de bureau vit au contact permanent des hommes et femmes du rang, qu'il est chargé de maintenir dedans. Et cela, ça sert d'os comme dirait le chien du curé. En effet, encadrer une équipe relève du sacrifice le plus pur, de l'abnégation totale, du don de soi absolu. Le frêle "é" d'"écarteur anal" sépare ménagement et management. Car si les salariés sont une engeance, la plainte est leur religion. Qu'un individu normalement constitué leur soit jeté en pâture avec la casquette de chef, armé d'une simple veste que certains prennent et d'autres retournent, et le défilé se met en place... Blanche-Neige a ses sept nains, le manager, aussi...

Grincheux, souffle mieux que personne sur les braises de la mauvaise volonté, quoi qu'on lui dise, quoi qu'on fasse. Il affiche obstinément cette posture aussi bourrue que puérile, il est passé directement de la cour de récréation au staff (cela-dit, y a-t-il vraiment une différence ?). Du coup il ne veut plus travailler avec Prof pour une histoire d'agrafeuse empruntée et pas rendue.

Timide est résigné, il ne prendra jamais parti, n'a jamais d'opinion, à la différence de la Joconde il n'aime pas s'exposer. Il regarde ses pompes quand ça chauffe en réunion, mais n'en pense pas moins et régurgitera tout à la cantoche, le gars vise con.

Atchoum, qui est toujours en arrêt maladie, surtout si on lui fait remarquer qu'il est souvent en arrêt maladie.

Prof, il maîtrise, mais c'est con, il s'écoute parler et ça gâche tout.

Simplet, ce collaborateur si sympathique qui adore le foot et les afterworks.

Dormeur, facile à détecter en réunion, souvent ce chercheur dort.

Joyeux, il fait des blagues, il est formidable.

Le privilège du manager, c'est qu'il a du bonus :


Fayot, qui se frotte sur sa jambe et rit à tous ses bons maux. Fayot est un chorégraphe, qui maîtrise comme personne l'art de se placer.

Délégué du personnel, qui interjectera toujours de bonnes raisons de ne pas faire ce pour quoi il est payé au motif qu'il nous fait déjà une grande faveur de s'être déplacé sur son lieu de travail. C'est Grincheux, mais piquousé à l'idéologie moyenâgeuse, de l'auberge on n'est pas sortis.

Belle ingénieure, du genre jolie et docteure en statistiques, elle est bonne et en plus, elle est bonne, changeons d'univers, c'est la schtroumpfette. Cela lui vaudra d'être quoiqu'elle fasse, le pot à ragots, l'aimant à jalousie, la Maintenon du bureau. L'ennui, c'est que parfois, c'est vrai et l'ingénieure devient ingénue.

Je pourrais continuer, avec Carrément Méchant, Jamais Content, Bordélique, Aigri, Distrait, Glandeur, Psychologiquement Fragile, Grande Gueule, Magueule, Langue de Pute, la famille est étendue et consanguine.

Dans ce maelström d'humanité distordue, notre chefaillon a directionnellement un rôle de méchant puisqu'il n'est pas là pour dire oui à toutes les doléances dont il est abreuvé dix heures sur 24. Parfois, la réalité est vicieuse qui met plus d'un responsable en situation cornélienne. Un Vipi, équivalent corporate du Grand Stratéguerre, lui tient à peu près ce langage : "tu vires 3 personnes dans les 2 mois, ou alors c'est toi qui est viré". Rigolez, c'est arrivé près de chez vous. A peine le temps de souffler dans ce bureauthlon, le voilà danseur du ventre si l'un des bons lui tend sa démission, juste un peu plus tôt que prévu.

Alors regarde, regarde un peu, toi le salarié énervé qui ne voit le monde qu'à travers le hublot étriqué de ta capsule ombilicale, et souviens-toi que dans l'océan du travail les créatures aux habits sales encaissent plus de pression hyperbare que toi.

"People with ties are people who are not smart enough to make money with normal clothes".