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Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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mercredi 5 novembre 2014

La queue raide

Puisqu'au fil des billets de ce blog nous avons fait plus ample connaissance, je peux désormais vous faire une confidence, un aveu intime. Je souffre d'une maladie de la queue : je la fais. Courte ou longue, droite ou courbée, qu'elle démarre tôt ou tard, à n'importe quelle heure, par n'importe quel temps, à la boulangerie, à la poste, dans une salle d'embarquement, absolument partout. Je sais, c'est mal. Je ne peux pas m'en empêcher. Le pire c'est que je ne me sens pas coupable. Je fais la queue le plus naturellement du monde, je n'ai même pas honte.

J'essaie bien de m'en sortir, j'observe mes concitoyens qui dans leur immense majorité n'ont aucun problème de queue. C'est pourtant simple, arriver, faire mine d'être occupé, le smartphone est allié de choix, et se glisser non pas derrière, mais à côté de la personne qui vous précède. Et puis, y'a plus qu'à. Un petit pas de danse, la valse a mis le temps, et hop, se retrouver devant celui ou celle qu'on suivait.

Bien entendu, si la personne réagit, fait une remarque, un regard qui démasque, plus le choix, il faut se réfugier dans l'absurde et s'offusquer illico, faire des nuées d'étincelles, dénuées de scrupules. Mais je ne vous double pas madame (smiley rouge de colère) ! Roooh, allez-y ! C'est bon quoi, y'a de la place pour tout le monde ! Pour les plus subtils, il y a le best-seller : ziva, c'est quoi ton problème ? Faut-il être notre grand acteur François Cluzet pour assumer quand il double tout le monde, comme l'autre jour au zoo de Vincennes, peut-être se croit-il intouchable, mais quoi de plus naturel que le doublage pour un comédien.

C'est vrai bon sang, faire la queue ça ne sert à rien. C'est peut-être pour ça que c'est la seule discipline où les français arrivent systématiquement devant tout le monde. Je n'ai souvenir que d'une fois dans l'histoire où ils ont volontiers laissé leur place pour monter dans un train, c'était le 17 juillet 1942. Pour le reste, respecter une file est une maladie honteuse à l'intérieur de l'hexagone cerné par Lille, Perpignan, Nice, Strasbourg et Brest. C'est héréditaire et assez contagieux, ça se transmet par le regard, monkey see monkey do. On a tous dans le sang le gène du sans-gêne, sauf dans certains pays bizarres qui ont probablement modifié la séquence ribonucléique avec je ne sais quel grimoire renfermant je ne sais quelle formule ringarde sur la vie en société. Regardez les anglais par exemple. Ces gens-là ne sont pas comme nous, ça se voit tout de suite. Hé bien, eux, ils font la queue. CQFD.

De peur d'avoir des ancêtres anglois, je suis allé voir mon médecin traitant. Ça pour me traiter, il m'a traité. Il m'a examiné, surtout là. Il ne m'a pas ménagé. Il a évoqué plusieurs causes possibles.
- Alex, il se peut que vous soyez un vieux con.
- Ben voyons. J'ai un piercing et je bois de l'Evian tous les jours, ça compte ?
- Non, mais vous avez des signes de psychopapouille. Vous avez des antécédents de priapisme social ?
- Non.
- Vous avez eu des relations avec quelqu'un de droite récemment ?
- De droite ?? Pfff ! Docteur, déconnez pas, vous me connaissez. Je ne suis pas de gauche. Quant à la droite, je marche dedans du pied gauche. Pourquoi me demandez-vous ça ?
- Parce que vous présentez des symptômes de civite.
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est une irritation du lobe civique du cerveau.
- Civique ? Hmmm... Effectivement c'est dans le lobe de droite, ça. Je l'ai lu dans une revue scientifique de référence qui s'appelle Libération. Prononcer le mot "civique" revient à dire "je vote UMP" et "j'aime Nicolas Sarkozy". Je comprends mieux votre question. Vous voyez docteur, c'est vous qui êtes de gauche !
- Ah non, moi je ne suis pas de gauche, je suis proctologue.
- Ben sortez-vous les doigts alors ! Docteur, je fais quoi maintenant, soignez-moi nom d'un pipe. Je ne vais pas vivre le reste de ma vie comme un con en traînant la queue entre les gens.

Il m'a fait une ordonnance, mais je n'arrive pas à la lire. C'est peut-être ça en fait, c'est peut-être une question de vue. Mais oui, tout s'éclaire, c'est parce qu'il ne voient que d'un côté qu'ils ratent toujours la queue, mes concitoyens. Les gens qui ne voient qu'à gauche veulent doubler ceux qui ne voient qu'à droite, et inversement. Un coup à étrangler le borgne. Je rentre dans la première pharmacie, et hop, voilà, encore et toujours, je fais la queue. Suspense... En attendant mon tour je spécule, il y a bien l'acupuncture, mais des aiguilles dans la queue ça me branche moyen. Ça va encore se finir avec des suppositoires cette histoire, j'en suis sûr parce qu'à chaque fois que je fais la queue, je l'ai dans le cul.