Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
Retrouvez-moi sur Facebook

lundi 29 juillet 2013

Mercat' fair foot


"On est à la fin du XXème siècle et les hommes sont toujours à vendre. Voilà une pollution morale qui me paraît plus importante que de savoir s'il faut mettre du détergent dans l'Escaut ou dans la Meuse". (Jacques Brel, 1971).

Grand Jacques, j'ai une mauvaise nouvelle : ça ne s'est pas arrangé en passant l'an 2000. Le mercato est devenu la norme, qui n'étonne plus personne tant elle a pénétré chaque souffle d'un air que nous connaissons, irrespirable...

Cavani rentre en scène pour 64 millions d'euros au PSG, dont Beckham vient de partir après trois petits tours et des larmes de crocodile. Que n'a-t-il sollicité Lacoste ! En décembre, on assistera à la valse des pilotes de F1. Ça, c'est pour la partie la plus évidente (par 'évidente', j'entends la plus atteinte), le sport, déjà évoqué ici. Le sport, ou le rapport tapin/maquereau mis au service du spectaculaire... C'est vrai quoi, le foot avant c'était ringard, ça ressemblait à Intervilles. Maintenant, ça ressemble à Intermarché, à la nuance près que les mercenaires ont remplacé les mousquetaires...

Sinon quoi ? Anne-Sophie Lapix est assignée par Canal+ parce qu'elle a signé chez France 5. En 2007, Eric Besson, ex-secrétaire national en charge des questions économiques du PS, annonçait son ralliement au camp adverse, vous vous souvenez sûrement du tollé que cela provoqua. Télé, sport, œnologues, professeurs, politiques, etc. Vous en voulez encore ? En 20 ans, la bactérie mercenariat a dévasté toute notre flore mentale. Le monde s'est staracadémisé. J'aimerais lui faire une ordonnance, et une sévère...

Le hublot de la télé n'étant jamais que celui d'une machine à laver le cerveau, attention aux tâches quand ça déteint sur la vraie vie, au travail par exemple. C'est plus subtil, décoloré, mais il reste toujours quelques auréoles. On parle pudiquement d'"attirer les talents". Au fait, c'est quoi les talents ? Un bon petit soldat des RH vous expliquera avec des mots choisis qu'un talent c'est un autre bon petit soldat qui exécute ici ou ailleurs en attendant qu'on le vire le jour où "on" aura décidé qu'il coûte trop cher (de préférence à partir de 50 ans, mais chuuuuut, je vous ai rien dit). Exemple : Bob Denard avait beaucoup de talents. Dans le civil, de nombreuses entreprises ont développé le concept de marque employeur pour se rendre si vilement attractives. La marque employeur est à l'emploi ce que les travelos sont au bois de Boulogne : une vitrine dont tout le monde sait que c'est du toc mais tout le monde ralentit quand même en passant devant. C'est combien ? Disons qu'il a fallu à l'homme 2,5 millions d'années pour traverser l'âge de pierre et 8.000 ans pour arriver à l'âge de la pipe. Si c'est pas de l'évolution... Zut Zazie avait raison à tous égards.

Est-ce par mimétisme, est-ce par osmose, est-ce pour absorber sa propre matière, la matrice nous digère et nous régurgite mercenaires. Nous voilà plongés dans un monde où tout se consomme parce que tout est jetable. De quel cul de poule mercateuse est sorti cet œuf pourri ? A moins que ce ne soit l'inverse.  Un problème avec Orange ? Pas de problème, je pars chez SFR. Ma banque refuse de renégocier mon emprunt sans une propale d'un concurrent ? Pas de souci, j'en fais faire une et puis tiens, je pars chez le concurrent. Mon employeur m'emmerde ? Claquage de porte, je pars chez un autre. Oups, y'en a plus ! Mais on ferait comment, alors ?  Aller dans le club d'en face, ou l'écurie, ou la chaîne, je ne sais plus. Quant à devenir self-employed, c'est se transformer en moucheron face au pare-brise d'un marché pluvieux. Et gare au mercenaire-garou qui, non content de présenter The Voice, peut vous mordre les nuits de pleine thune. Vous seriez envoûtés par l'esprit footballeur à tendance diva. C'est bien connu, c'est quand le chat est repu qu'il trouve que le cul de la souris pue. Le contrat moral est en cendres, qu'il repose en paix aux Marquises pendant que je me consume quand je m'auto-consomme.

jeudi 18 juillet 2013

L'immonde du silence

En 1998, lors d'une mission aux Stazunis, je fus marqué par le comportement d'une collègue indigène. Nous croulions sous le travail, et elle ponctuait ses journées en laissant des messages à tous ses collègues locaux concernés par le projet. A l'époque, cette frénésie méthodique m'avait étonné et agacé, je ne voyais pas l'intérêt d'appeler tout le monde en permanence pour la moindre question. Une incubation de 15 ans plus tard, je réalise à quel point j'ai été contaminé. Je m'en suis rendu compte en recensant le nombre de messageries vocales avec lesquelles j'ai sympathisé au fil du temps.

A quoi ressemble notre âme téléphonique en 2013 ? Le premier standard, c'est que la chose que nous appelons désormais un smartphone sert de moins en moins à téléphoner. L'un de mes premiers posts concernait la transe débilo-hystérique dans laquelle nous plonge cette prothèse omnipotente. Visiblement je ne suis pas le seul à le penser. Mais comme je suis un garçon assez vocal, je vais aujourd'hui développer cette seule fréquence.

Tout d'abord, c'est un fait établi et documenté, les gens écoutent de moins en moins les messages qu'on leur laisse. Manque de temps, zapping, et voilà, on se borne à constater les appels manqués, la phrase amie molette consistant à dire "j'ai vu que tu m'avais appelé". Jacques le fataliste devait avoir un abonnement chez Orange... Fort de cet aquoibonisme, un principe s'est infiltré sournoisement dans nos vies : celui du "je te rappelle pas donc c'est non". Ainsi, plutôt que de boucler la boucle, d'accuser réception, de répondre quelle que soit la réponse, l'usage du code [default_value=silence] s'est généralisé dans notre logiciel de vie. Hey buddy, c'est ça le respect ? Ça t'écorcherait les doigts de m'envoyer un pauvre sms pour me dire que tu n'as pas oublié ? En plus tu es couvert, le sms s'est imposé comme le meilleur ami des mauvaises nouvelles. Drôle de dégénérescence qu'apporte le progrès. Derrière l'illusion de la communication se cache le paravent de la résignation, pour ne pas dire de la lâcheté. Lorsque je suis arrivé sur le marché du travail en 1993, c'était - déjà - la crise. Chaque CV envoyé recevait une réponse. Négative, certes, mais une réponse quand même. Idem avec les messages laissés sur ces répondeurs à bandes. Aujourd'hui il faut raisonner façon prise d'otage : si on n'a pas de nouvelles sous 24 heures, c'est que c'est mort.

La dimension culturelle de l'histoire est édifiante. Est-ce par excès de sollicitation ou par réflexe de petit roi, est-ce par paresse, mais en France, un supérieur social ne s'abaisse pas à rappeler un inférieur social. Ça m'a toujours stupéfié. Aux Stazunis, comme en Allemagne, en Italie ou en Afrique su Sud, on peut appeler n'importe quel cadre d'une organisation, jusqu'au plus haut niveau, il prend l'appel. Il faut faire vite et efficace, c'est normal, mais il vous écoute. Chez nous, le moindre sous-fifre ne s'abaisse pas à répondre dès lors que sa carte de visite comporte le mot "directeur", comme si le statut portait en lui l'évidence de l'injoignablitude. Vous avez raison les gars, continuez, vous avez vu où ça nous mène.

Enfin, la démultiplication des moyens révèle l'autisme de certaines personnes rétives à l'utilisation de leur téléphone. Par exemple, mon ami X. ne me répond jamais quand je l'appelle, c'est vous dire si je suis son ami. Avec l'explosion des (télé)communications, ces personnes sont davantage exposées qu'à l'époque où les téléphones gris étaient aussi répandus dans les foyers que les commentaires intelligents chez les journalistes sportifs. Par un enchaînement logique action-réaction, elles ont développé des anticorps et se rétractent dans leur coquille avant que le deuxième appel n'ait pu couper le poil qu'elles ont sur la langue. M'enfin ?

Je vous l'accorde comme ma guitare, on est tous excessivement aspirés par le vortex des contingences quotidiennes. Le trop tue tout, au galop, trop d'ânes tuent le trot. Trop d'impôt tue l'impôt, trop de pub tue la pub, trop de Fanfan tue la lipe. Et trop de communication tue la communication. La période actuelle illustre ce principe universel riche d'enseignements sur notre déshumanisation. La tranquillité est un luxe au point que l'on cherche à la créer soi-même, souvent de façon brutale ou disproportionnée. Pis, l'actualité nous y encourage car on est en droit de se dire que le seul moyen de ne pas être écouté, c'est de la boucler ! Alors de grâce, pour que j'écrive un prochain post, laissez-moi un message après le bip.

mercredi 10 juillet 2013

Sept milliards de diables

L'auteur d'un blog sérieux que je lis assidument a récemment écrit un post sur la "matrice" (tiens tiens !) qu'est Google. Cela fit tilter mon exagéromètre, et je ne pus contenir un commentaire. Il nous décrit comment ce monstre technologique qui se meut dans les nuages de l’internet stocke tous nos faits et gestes à l'insu de notre plein gré. Une vraie leçon de prismologie.

La lecture de l'actualité du mois écoulé a enfoncé le clou, c'est donc devenu un mois écloué. On en retiendra que si j'écris ici les mots Ben Laden, Google va immédiatement en référer aux moteurs algorithmiques de la NSA. Derrière son écran, l'analyste lambda va superviser les résultats de crawlers et autres parsers qui auront scanné ma vie entière, vérifié mes antécédents, contrôlé l'adresse du dentiste qui m'a arraché une dent de sagesse le mois dernier. Exactement comme dans les scènes archi-rebattues des films d'action américains. Selon qu'il aura mangé assez de sa glace Ben Laden & Jerry's ou pas, l'analyste sera dans l'humeur de remonter mon profil à son chef de section. Alors que se passe-t-il si dans le même texte j'écris que mon chat s'appelle Terror, que mon lave-linge est un Laden et que je mange des cacahuètes Ben & Nuts ? Vous avez compris le truc : c'est le point de fond soulevé par Edward Snowden dans son interview d’origine, le 6 juin 2013. Dans sa description du système Prism, Snowden établit qu’avec la masse de données collectées sur chaque individu, la NSA  - c'est le nom d'état civil du Grand Stratéguerre - est capable de briser le paradigme sacré qui veut que corrélation n’est pas causalité. Par le truchement de croisements d’informations plus ou moins orientés, n’importe qui peut ainsi être présenté comme un terroriste fomentant un projet malveillant. Nous voilà rendus à l'état de chair à Google, qui est à la NSA ce que Vichy fût à la gestapo : un fournisseur dévoué.

Cet état de fait, en soi, est déjà... Terrorisant. On réalise qu'Orwell est bon pour la bibliothèque rose, que Minority Report est déjà parmi nous tant le côté obscur de la force du big data dépasse sa fiction. On prend la mesure prophétique de la phrase de Beaumarchais sur la calomnie. Pis, il y a un deuxième effet Kiss Cool. Il prend la forme d'une femme pimpante, la cinquantaine brushée et les idées tellement moyenâgeuses qu'elle fait passer l'inquisition pour une association de quartier. Sarah Palin, c'est le niveau de connerie de W. Bush dans le corps de Barbie. Du coup, c'est la seule Barbie qu'on a envie d'appeler Klaus. La doctrine idéologique des illuminés de type palinesque consiste à invoquer dieu et/ou le diable pour tout et n'importe quoi dès que quelqu'un n'est pas d'accord avec eux. Un exemple de palinisme ici. J'aime les fraises, tu ne les aimes pas, tu es possédé. J'ai perdu deux tours de suite, t'as une barbe et du pétrole, tu es sur l'axe du mal. Etc., etc. Et là, vous réalisez sûrement comme moi à quel point Palin rime avec Staline. Et syllogisme rime avec Prism. Belles inventions que voilà, mais qu'en faire ? Sorcières, blouses blanches, même combat ! C'est pour l'avoir révélé que le jeune Edward S., vêtu d'un polo, attend son passeport au point Accueil de... nulle part.

La seule vérité au demeurant, c'est que le diable est très malin, il squatte dans les zones marécageuses de chaque esprit humain. Il croise une joggeuse et il en fait une brochette, il massacre à coups de bistouri, il frelate le beurre, il défigure la planète pour alimenter les Starbucks Coffees qui la recouvrent. Satan nous habite comme l'air que l'on respire, c'est une forme de diabolie pulmonaire. Dès lors il tend la perche aux fous de dieu qui n'ont plus qu'à saisir la vilainie au bond. Chère Sarah, il faut que je vous dise quelque chose, asseyez-vous... Satan n'est pas un type louche avec des pieds crochus, qui ne vit que pour nuire aux Etats-Unis d'Amérique (tiens c'est drôle, de l'autre côté du monde c'est eux que l'on appelle le Grand Satan). Alors arrêtez de persécuter ce pauvre Belzébuth, il n'y est pour rien. Il est beaucoup plus émissaire que bouc. Il est au chômage technique depuis longtemps. A vrai dire, il n'a jamais vraiment existé. Ou alors il a lu Baudelaire et il a réussi à nous convaincre qu'il n'existait pas. S'il l'a lu il va s'y faire, allez savoir... Ou alors, achetez-vous un miroir. 

Money, ideology, sex, ego sont les quatre mamelles que tète le diable enfoui dans les recoins de notre cerveau. Notre malheur vient de ce que nous avons fabriqué un gigantesque tire-lait. Quand on clusterise 7 milliards de côtés obscurs, c'est moche. Parfois ça va même jusqu'à ressembler à un hedge fund. Imaginez un hedge fund qui investit 7 milliards de diables...