"On
est à la fin du XXème siècle et les hommes sont toujours à vendre. Voilà une
pollution morale qui me paraît plus importante que de savoir s'il faut mettre
du détergent dans l'Escaut ou dans la Meuse". (Jacques Brel, 1971).
Grand
Jacques, j'ai une mauvaise nouvelle : ça ne s'est pas arrangé en passant l'an
2000. Le mercato est devenu la norme, qui n'étonne plus personne tant elle a
pénétré chaque souffle d'un air que nous connaissons, irrespirable...
Cavani
rentre en scène pour 64 millions d'euros au PSG, dont Beckham vient de partir
après trois petits tours et des larmes de crocodile. Que n'a-t-il sollicité
Lacoste ! En décembre, on assistera à la valse des pilotes de F1. Ça,
c'est pour la partie la plus évidente (par 'évidente', j'entends la plus
atteinte), le sport, déjà évoqué ici. Le sport, ou le rapport tapin/maquereau mis au service du spectaculaire... C'est
vrai quoi, le foot avant c'était ringard, ça ressemblait à Intervilles.
Maintenant, ça ressemble à Intermarché, à la nuance près que les mercenaires
ont remplacé les mousquetaires...
Sinon
quoi ? Anne-Sophie Lapix est assignée par Canal+ parce qu'elle a
signé chez France 5. En 2007, Eric Besson, ex-secrétaire national en charge des
questions économiques du PS, annonçait son ralliement au camp adverse, vous
vous souvenez sûrement du tollé que cela provoqua. Télé, sport, œnologues,
professeurs, politiques, etc. Vous en voulez encore ? En 20 ans, la bactérie mercenariat
a dévasté toute notre flore mentale. Le monde s'est staracadémisé.
J'aimerais lui faire une ordonnance, et une sévère...
Le
hublot de la télé n'étant jamais que celui d'une machine à laver le cerveau,
attention aux tâches quand ça déteint sur la vraie vie, au
travail par exemple. C'est plus subtil, décoloré, mais il reste toujours
quelques auréoles. On parle pudiquement d'"attirer les talents".
Au fait, c'est quoi les talents ? Un bon petit soldat des RH vous expliquera
avec des mots choisis qu'un talent c'est un autre bon petit soldat qui exécute
ici ou ailleurs en attendant qu'on le vire le jour où "on" aura
décidé qu'il coûte trop cher (de préférence à partir de 50 ans, mais chuuuuut, je vous ai rien dit). Exemple
: Bob Denard avait beaucoup de talents. Dans le civil, de nombreuses
entreprises ont développé le concept de marque employeur pour se rendre
si vilement attractives. La marque employeur est à l'emploi ce que les travelos
sont au bois de Boulogne : une vitrine dont tout le monde sait que c'est du toc
mais tout le monde ralentit quand même en passant devant. C'est combien ?
Disons qu'il a fallu à l'homme 2,5 millions d'années pour traverser l'âge de
pierre et 8.000 ans pour arriver à l'âge de la pipe. Si c'est pas de
l'évolution... Zut Zazie avait raison à tous égards.
Est-ce
par mimétisme, est-ce par osmose, est-ce pour absorber sa propre matière, la
matrice nous digère et nous régurgite mercenaires. Nous voilà plongés dans un
monde où tout se consomme parce que tout est jetable. De quel cul de poule
mercateuse est sorti cet œuf pourri ? A moins que ce ne soit l'inverse.
Un problème avec Orange ? Pas de problème, je pars chez SFR. Ma banque refuse
de renégocier mon emprunt sans une propale d'un concurrent ? Pas de souci, j'en
fais faire une et puis tiens, je pars chez le concurrent. Mon employeur
m'emmerde ? Claquage de porte, je pars chez un autre. Oups, y'en a plus ! Mais
on ferait comment, alors ? Aller dans le club d'en face, ou l'écurie, ou
la chaîne, je ne sais plus. Quant à devenir self-employed, c'est se
transformer en moucheron face au pare-brise d'un marché pluvieux. Et gare au mercenaire-garou qui, non content de présenter
The Voice, peut vous mordre les nuits de pleine thune. Vous seriez envoûtés par l'esprit footballeur à tendance diva. C'est bien connu, c'est quand le chat est repu qu'il
trouve que le cul de la souris pue. Le
contrat moral est en cendres, qu'il repose en paix aux Marquises pendant que je me consume quand je m'auto-consomme.