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samedi 22 juin 2013

La compagnie de la mouette bleue

La mémoire est un phénomène extraordinaire. On parle souvent de ses trous, moins de ses détours. Or parfois elle nous en joue, des tours. Comme pour faire de nous d'improbables Sisyphe eidétiques, elle décide de nous accrocher un boulet que nous pousserons sur nos montagnes de souvenirs. Le cariste de notre cerveau-IKEA nous en ramène quelques-uns en kits, avec la dévotion du labrador convaincu que nous voulons passer le reste de notre vie à relancer ces putains de bouts de bois. Comme une écharde dans le synapse, chacun fait l'effet d'un aliment coincé entre deux dents. On fait mine de s'habituer, ça devient un tic, on passe la langue pour tenter de le déloger, tantôt par surprise, tantôt en force. Sauf que les souvenirs partiels, ça ne se traite pas avec du fil dentaire.

C'est le genre de sujet que vous ne pouvez partager avec personne. On doit être tout au plus deux dans le monde à s'interroger sur ce lambeau d'image, de musique, de texture ou d'odeur, autant dire l'inintérêt qu'elle a dans une discussion en société. C'est à peu près aussi captivant que de parler de son nin-nin. Si toutefois vous l'évoquez, vous risquez de passer pour le Gilbert Sellman de service lorsqu'il clame "ça tombe bien, mon frère est gendarme !". Vous voilà prévenus. Assurez donc vos arrières et avouez plutôt que vous regardez Secret Story, il y aura toujours quelqu'un qui trouvera ça amusant.

Vous êtes donc seul(e) ou presque. Dans un moment de mansuétude, Mnémosyne eut pitié de vous et introduit un ami dans votre cellule neuronale. Google fait ce qu'il peut, mais depuis tant de temps la question est trop large, elle renvoie trop de résultats. Générique de série télévisée, années 1970, Visiteurs du mercredi... Non, ce n'était ni Les Robinsons suisses ni Skippy le grand gourou. Trop évident tout ça. Parmi les rares indices il y avait bien ce mot étrange, "tokismo", capté dans un flot de paroles. La clé de l'énigme, peut-être ? Qu'est-ce que ça pouvait vouloir dire ? Inconnu au bataillon des mots-clés. Ce n'était pas du français, c'est certain. De l'anglais ? A 6 ans, je n'en savais rien. J'avalais les syllabes phonétiquement, comme celles de Travolta dans Grease : "Agatiou, zébo ze blayeur..." version auto-interprétée de "I got chills, they're multiplying..." (au passage il est intéressant de noter comment la ligne de basse de ce morceau a inspiré celle du générique des Bronzés font du ski, dont peu de gens savent qu'elle fût composée par Pierre Bachelet, je tiens à cette parenthèse hautement culturelle et parfaitement hors-sujet). Ça fait léger pour identifier une séquence.

Avec comme dernier recours un bout de mélodie en tête, c'est un échantillon, pas une requête. J'avoue, j'ai même fredonné l'extrait dans SoundHound. Réponse de l'application : "Alex, on peut se parler franchement... Tu vois, si tu voulais passer le casting de The Voice, comment dire... Tu sais, c'est bien comme métier aussi, consultant...". Las ! Que n'ai-je introduit un éditeur SQL dans ma cervelle !

Il restait les forums, drôles de manèges qui tournent en rond. Vous êtes suspendu au souvenir d'un autre, comme sur un trapèze. Et puis un jour, un esprit béni poste un commentaire fourni, contenant la liste exhaustive de toutes les séries pour la jeunesse diffusées dans les années 1970. Quelques clics, croisement d'informations... Allelujah !! Voilà, vous y êtes, c'est le générique d'une série yougoslave - à l'époque, l'ex-Yougoslavie n'existait pas encore - une bande de mômes sur un caïque, non ce n'était pas le radeau de la méduse ce bateau, et encore moins l'école en voilier. Cette mélodie, ce chant qui sonne patriotique, le mot-clé... And the winner is : La compagnie de la mouette bleue ! Enchanté, moi c'est Alex. Franchement, ça vous dit quelque chose ? Peu importe, à cet instant un grand soulagement m'envahit, à la fois profond et absurde. Après 35 ans de poil à gratter mental, je rends à ces arts ce qui appartient à la tierce mémoire, ce soir je dormirai du sommeil lourd de celui qui a l'esprit léger.

PS : par une authentique ironie du sort, une mauvaise manipulation m'a fait effacer ce texte au moment de le mettre en ligne. Je l'ai réécrit intégralement de mémoire, mais vous n'êtes pas obligés de me croire ! :o)

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