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jeudi 30 juillet 2015

Privé de voyage

Autant le dire tout de suite, le tourisme, c'est de la merde. Je sais, c'est une immense porte ouverte, mais elle grince dans ma tête depuis si longtemps qu'il me fallait la défoncer à tout prix. Et le prix justement, c'est la clé. Les sirènes des sites bidule-privé-point-com (cette manie d'être privé de tout !), qui attirent le chaland en vendant des voyages de riches à des tarifs de pauvres, ont pris le pouvoir. Ils ont cassé les prix, les autres ont tout compris grâce à cette formule digne d'Harry Potter, all inclusive. On voit le résultat sur les moldus.

Au terme d'un voyage nocturne et compressé dans ces bétaillères que sont les avions charters, les hordes aussi bruyantes qu'hébétées débarquent dans les lieux hauts de gamme qui, pour assurer la rentabilité, font des compromis sur la clientèle comme on ouvre les valves d'ajustement de pression dans un barrage. Pour tenir sa promesse dès l'aube, le palace doit se travestir en club Marmara. Le peuple migrateur inonde la place et soudain le lobby se remplit d'une ambiance de camping à laquelle il n'était pas habitué. C'est la vague du popu-l'eau qui sent le pastis.

On les reconnaît à plusieurs signes distinctifs, au premier rang desquels figurent, non, plus les claquettes Arena, mais les marques qu'ils arborent fièrement dès le premier petit déjeuner. Là encore, ça sent les sites promotionnels à plein nez, qu'ils ont dévalisés pendant les soldes dans l'unique but de se pavaner autour de la piscine tels des papagayos. Où que le regard se porte, à 360 degrés, vous n'échapperez pas aux accoutrements Superdry et Hollister, couleurs criardes et coupes approximatives, mais bon, faut comprendre, le Rana Plaza n'est pas fini de reconstruire. Cette année, les t-shirts Abercrombie&Fitch rasent les murs... Et l'on reconnaît les gens du Val d'Oise au marcel Jack&Jones qu'ils ont acheté au Marques Avenue de Franconville...

Ça contraste avec l'air désabusé et hautain des habitués du lieu. Ne vous laissez pas impressionner. Ce sont des Patrick Chirac en puissance, justement, avec plus de fric. Le test ultime, c'est la bouffe. Mettez n'importe lequel de ces individus face à un buffet, vous verrez qui il/elle est vraiment. Dans cette configuration, riche ou pauvre, on est tous le même animal, homo beaufus. Et les seuls qui grugent dans la queue, c'est qui, hein, hein ? Ben oui, c'est les français, vindicatifs et gueulards avec leur esprit "j'ai payé, j'y ai droit" que le front populaire a bien vissé dans leur adn. Même les italiens sont médusés.

J+1, après quelques étalages oléo-crémo-gélo-puants, les ados exhibent leur narcissisme boutonneux dans des maillots mini- ou maximalistes, mais toujours disproportionnés, pendant que leurs mères, quadras mures ou jeunes quinquas, se toisent dans un défilé de couleurs claires de femmes, dévoilant leurs vergetures, ou pas, selon qu'elles se prennent pour des égéries de chez Mixa Mémé.

J+2, on prendra soin de réserver son transat avant le petit déjeuner en posant quelque effet personnel dessus. Le summum du glauque.

J+X, on entamera les visites et autres circuits pour gogos. En bateau, en car ou en voiture, par leur unique présence, ils abîment tous les paysages. Le troupeau ne se perd jamais de vue et déferle dans les magasins qui les attendent à camelote ouverte.

Allez, courage, ça va durer 15 jours, vous êtes prévenus. Enfin... On est tout de même mieux dans cet hôtel penta-stellaire qu'à devoir se battre pour son mètre carré de sable pisseux à Palavas-les-Flots.

Le business du tourisme, c'est une arme de beaufisation massive. Finalement, cette fusion des genres entre un tourisme pour riches flattant l'ego d'une poignée de crétins méprisants qui croient que tout le monde a les moyens d'être insouciant, et l'illusion vendue au plus grand nombre, n'est pas illogique. Les uns paient pour de l'isolement, les autres immolent leurs économies pour entretenir leur cohue matricielle tout en lorgnant sur les goûts des premiers. A force de placarder toujours les mêmes photos sur les murs du RER depuis quarante ans, le tourisme est devenu un soft djihad, car s'empiffrer après l'abreuvoir pré-dînatoire est une religion. En route pour cette croisade moderne, façon de continuer à se bousculer, mais de son plein gré. Tout ça pour du sable.

Jean-Marc, tu nous manques.
Copyright Reiser, On vit une époque formidable, 1976


Bon, il faut que je vous laisse, il est 19 heures, le restaurant ouvre, j'y vais maintenant sinon il va y avoir du monde comme à midi une à la cantine.

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