Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
Retrouvez-moi sur Facebook

jeudi 9 mai 2013

Les mystères de l'oued


C’est une tradition aussi vieille que l’objet le plus précieux des ménages américains (juste après le fusil d’assaut). Les feuilletons font partie de l’ADN télévisuel outre-atlantique. Et c’est devenu depuis les années 1990 un fonds de commerce très juteux. Adieu Dallas, Têtes Brûlées et Dynastie ! A l’instar de Friends, de nouvelles générations de séries ont inondé les écrans aussi promptement que le MON 810 a envahi nos champs. X-Files, Grey’s Anatomy, Desperate Housewives, Sex & the City, Dr House etc. ont emboîté le pas, et le téléspectateur. Une surenchère d’imagination qui pourrait être stimulante si elle ne générait pas des concepts foireux ou éculés (Work it, Supernatural pour ne prendre que ces exemples parfaitement subjectifs, mais vous savez où vous avez mis la souris).

Je dois tout de même reconnaître deux choses. En premier lieu, la créativité de ceux qui inventent les aventures tantôt familières, tantôt improbables, de ces héros ou anti-héros de choix. Dans ce registre les américains sont imbattables, c’est un mystère de l’ouest. Des ménagères désespérées, un limier hypnotiseur, des chirurgiens esthétiques psychopathes (furent-ils inspirés par le sinistre « Docteur » Michel Maure ?), il faut leur accorder cette capacité à rendre attractif n’importe quel concept. Pendant qu’ils fabriquent des dizaines de Patrick Jane, de batailles galactiques et de tueuses de vampires, nous attention, on a Navarro (ça rime avec ligne Maginot) et Julie Lescaut (aussi). Deuxièmement, distinguons les séries des sitcoms, même si la frontière est parfois poreuse, car il ne faut pas tout mettre dans le même sac poubelle, c'est ce qui s'appelle du tri sélectif.

Mais la créativité anglo-saxonne est toujours la figure de proue d’une flotte industrielle qui se déploie sur les océans de plasma, emmenée par des régiments de moussaillons scénaristes. Prenez l’exemple que vous voulez, ça marche à tous les coups : un personnage central ou un groupe, des faire-valoir, un cadre, des péripéties récurrentes. Jusqu’ici tout va bien. Vous regardez le pilote, vous avez saisi ce qui va se passer pendant 180 épisodes. Car si la mayonnaise prend, on va nous remplir la coupe jusqu’à la lie même si l’idée de départ est éphémère. Par un mystère de l’oued cérébral, le téléspectateur accroche. On connaît tous le déroulement d’un épisode de Columbo (dont, pour le coup, l’idée originale était révolutionnaire puisqu’elle cassait le canon christien dont Scoobi-Doo est un digne représentant). Pourtant on reste accroché, saison après saison, même 30 ans après, car ce que l’on regarde, c’est plus les mimiques du héros que l’intrigue qui leur sert de prétexte. Mais n’est pas Columbo, ni Peter Falk, qui veut.

24 Heures Chrono ? Ok, rien à dire, concept addictif et montage original, bonne adrénaline. Une saison, le tour du cadran, le tour est joué. Mais faut-il vraiment faire subir à ce pauvre Jack Bauer huit saisons qui portent le rocambolesque jusqu’au ridicule ? Idem, une fois qu’on a vu le cynisme provocateur, politiquement incorrect et répétitif du Dr House, on a compris comment ça marche. Et on a digéré instantanément. Pourtant il va falloir s’en palucher huit saisons, avec un jus de scénario de plus en plus fade jusqu’à ce que l’acteur principal soit recyclé en matériau musical ou cinématographique. Une série télé US, c’est un film en sirop. Diluez avec sept saisons de flotte et ça désaltère les soirées inoccupées. Tant qu’il reste du liquide on distille jusqu'à l'acharnement cathodique. Ça vous a plu, vous en voulez encore ? Pas de problème, une série chasse l'autre au rythme des rames de RER à 18h. Ce qui compte c’est de remplir l’espace, comme dirait le Capitaine Kirk. Comme si ça ne suffisait pas, nombre de séries à succès ont ainsi servi de prétexte à un film... Et inversement (Stargate). C'est à se demander si Le Prisonnier était un feuilleton ou un miroir...

Je sais, vous allez me dire « mais personne ne t’oblige à regarder, tu n’as qu’à éteindre ta télé ! ». Ça tombe bien, c’est ce que je fais. Peut-être aussi est-ce par réaction à la fébrilité hypnotique avec laquelle beaucoup de mes congénères semblent devenus drogués par ces novelas distribuées comme du chewing-gum câblé accablant, à en croire la détresse dont ils font preuve quand la saison en cours vient à se terminer.

Voilà un sujet de conversation absolument fabuleux, servi sur un plateau (de tournage) pour les dîners ! Si t’as pas vu le dernier épisode de la dernière saison de [mettez le nom de série que vous voulez], t’es un ringard. Le comble du snobisme n’est-il pas d’accéder avant tout le monde à la prochaine saison !? Moi je dirais plutôt que c’est de la bouder.

On a tous grandi avec des séries télévisées. Elles font partie de notre patrimoine collectif et individuel, et c’est tant mieux. Mais comme toujours, l’excès perturbe la nature, et le tsunami de séries depuis 15 ans vire au n’importe quoi. Une offre pléthorique pour un niveau d’entertainment rachitique. Et puis ça fait doublon : il suffit de regarder CNN, vous avez à la fois les Simpson et 24 Heures Chrono…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire