Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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mardi 18 février 2014

Dieu : droit de réponse

Suite à mon article précédent, Dieu a écrit à la Haute Autorité de ma Conscience pour faire part de sa colère. Il a réclamé un droit de réponse en vertu de la LCEN n° 2004-575 du 21 juin 2004. Conformément aux dispositions légales prévues, je publie ci-dessous l'intégralité de sa réponse.

"Mon cher alex,

Le 4 février dernier tu m'a adressé un scud en forme d'article à la gomme, même pas mal, dois-je te rappeler qui je suis. Je tiens toutefois à te rappeler quelques fondamentaux, le premier d'entre eux étant que pour s'adresser à moi, il vaut mieux être en position de la ramener. Puissiez-vous, tes semblables et toi, ne pas les transformer tout de suite en fondamentalismes (on peut toujours rêver).

Je suis Dieu, je vous ai tout donné. Je me suis grouillé de vous concevoir un endroit sympa, six jours c'est pas donné à tout le monde. Je vous ai construit le paradis sur terre, parfaitement aménagé, avec une grande pièce à vivre, idéal pour couple avec enfants. Le septième jour je me suis posé un peu, j'étais crevé, mais assez fier de mon œuvre. Du coup je me suis dit que j'allais y ranger mes économies, un peu d'or et de diamants hérités du Big Bang. L'ennui, c'est que vous les avez trouvées. A peine une génération et hop, les problèmes ont commencé. J'avais des raisons d'être prudent. Il a fallu Noé, et ça n'a pas suffi. Vous avez un bail de trente mille ans, et rien que dans les 150 dernières années toi et tes connards de semblables vous vous êtes comportés en virus. Vous avez vidé, ravagé et pourri votre planète hôte à un point tel que c'est devenu une décharge nucléaire rotative, une toupie à retardement que si une mouette lâche un guano au mauvais endroit ça fera un beau feu d'artifice pour les futurs habitants de Mars. On voit le résultat : 7 milliards de daltoniens qui pensent que leur planète est bleue alors qu'elle est rouge depuis longtemps. Enfin bon, je vais pas faire ma Zazie, elle a déjà dit tout ça. Fallait-il être une femme pour être une créature intelligente.

Vous êtes odieux. Je vous ai fourni tout ce qu'il fallait pour être heureux, et vous êtes là à m'implorer, à me faire chier pour le moindre bobo, à m'invoquer pour le moindre massacre. Ok, j'ai peut-être merdé sur un ou deux trucs, visiblement les hommes naissent ego pas droit. Et surtout j'ai fait fausse route en pensant que vous sauriez apprendre. Finalement vous ne valez pas plus que des poulpes, si ce n'est qu'eux, apprendre ils aimeraient bien. Ils ne connaissent pas l'orgueil. Ce n'est pas ma faute si vous détestez tout le monde parce que vous vous sentez mal aimés. Toute la sainte journée vous fabriquez du fiel bon pour le tout à l'ego. Nom de moi-même, ces mortels m'ennuient. Mon psy me dit que c'est parce que je supporte mal l'immortalité. Un partout, l'enfer au centre.

Je suis Dieu et je n'ai pas envie de pardonner. Alors regarde, regarde un peu, tu verras tout ce qu'on peut faire si on est Dieu...Vois-tu alex, désormais il peut s'en passer des intempéries, il peut en pleuvoir des bombes atomiques, s'en perpétrer des faits divers atroces, en naître des Pol Pot, encore et toujours une histoire d'eaux et d'os, je m'en lave les mains. Suite à un mouvement social, le trafic est interrompu sur l'échelle du paradis. Jacob et son lointain descendant, le petit bonhomme qui est monté me voir dans une canette de Red Bull, devront repasser. Je fais grève, je vais m'installer dans le canapé et regarder le monde brûler. Il m'a fallu six jours pour le faire, vous avez eu besoin de trois illusions pour le détruire alors que mes maquettes précédentes, les dinosaures, ont tenu 165 millions d'années. Et vous vous dites évolués ! Laissez-moi rire.

Du haut des cieux, j'ai eu le nez creux, en même temps c'est normal, le grand air ça débouche les narines. J'ai créé d'autres mondes au cas où. A défaut d'être intelligents vous voilà sophistiqués et depuis peu vous découvrez des exoplanètes. Vous ne tarderez pas à vous apercevoir que vous n'êtes pas seuls. Mais comme vous êtes cons et auto-centrés, c'est-à-dire concentriques, ça brûlera votre façon de croire en moi au lieu de me rendre d'autant plus hommage, quel dommage, quels dommages.

Voilà mon cher alex, toi qui ne mérites pas de majuscule, toi qui as cédé à la facilité en parlant de moi puis en parlant à moi - un moment, j'ai cru que tu étais journaliste - garde tes grands reproches et tes petites histoires qui ne font rire que toi, tu peux les utiliser en suppositoires, car comme tu le sais, les voies du seigneur sont impénétrables.

Eternellement,
D."

mardi 4 février 2014

Dieu, c'est quand ?

Que répondre à cette question d'enfant entendue il y a quelques jours et sur laquelle des générations de rabbins ont usé le fond de leur schtreimel sans réussir à trouver une réponse unanime ?
Grosso modo, dieu c'est quand il arrive quelque chose de bien.
Oui mais non. Trop facile. Surtout que le principal intéressé a peaufiné son joli rôle, il a développé une version dieu point zéro. Quand l'ambiance est au beau fixe, c'est tout grâce à lui. Et quand ça se gâte, qu'il arrive quelque chose de mal, c'est qu'on l'a bien mérité. Trop drôle, quand je repense à cette tempête qui noya Lourdes il y a un an. Le business case est bien construit, tout bénèf. Dieu est un as du marketing, il doit travailler chez Orange. Peut-être est-ce pour ça qu'il est constamment sur messagerie. A force de commettre des forfaits il a explosé le sien. J'ai bien tenté de lui envoyer des sms depuis le mur des textos à Jerusalem, mais pas de réponse. Oui vraiment, il doit travailler chez un opérateur télécom pour ignorer autant de réclamations et trimballer autant de bugs. Au choix : cancer, trafics d'organes, violence envers les enfants, génocides, The Voice.

On ne va pas tous les lister, il nous faudrait la capacité de stockage de la NSA. Le fait est qu'aujourd'hui tout le monde s'accorde à dire que dieu ne fait pas son boulot. Dieu c'est quand tu veux résilier ton abonnement. Là, il se réveille. Le service commercial t'appelle. Dans l'organisation divine, c'est le Département Coulpe. "Allo, bonjour, nous avons bien noté votre demande. Sachez que si vous résiliez maintenant, vous perdrez vos miles et votre statut premium qui vous donne droit à un espace plus grand au paradis. Connaissez-vous notre programme 'changer de missel/tapis/talith' [rayez les trois mentions inutiles] ? Si vous vous ré-engagez pour 24 ans, nous vous fournissons un missel/tapis/talith [rayez les trois mentions inutiles] haut de gamme pour juste un euro !". Ça marche plutôt pas mal, ils arrivent à limiter l'attrition client. En revanche, côté après-vente...

S'il est vraiment chez Orange, il a un emploi à vie, et en plus il s'est fait élire délégué du personnel. Bref, il est invirable. Il a bien joué en se faisant tailler un statut de fonctionnaire. Pour les autres, il a créé les DRH. Dans le privé, au vu de ses résultats et de son âge, il y a longtemps qu'il aurait été viré.

Les candidats à The God (saison 2) pendant une battle
Bien sûr, il a laissé émerger quelques spin-offs, histoire de créer une concurrence artificielle pour inonder le marché. Toutes les maisons mères ont leur filiale low-cost. Les dirigeants de la sous-marque ont voulu se démarquer en donnant une figure à leur divinité. Hop, on passe de dieu c'est quand à dieu c'est qui. C'est toi ? Ben non. C'est toi alors ? Mais non !! Messie !! Bon sang c'est qui à la fin ? Comme dirait le nouveau Robocop : quand on n'a plus de héros, on les fabrique. Alors, faute de candidat naturel, on auditionne un juif baba-cool intermittent du spectacle vaguement acrobate (est-ce que sa mère aurait participé à la manif pour tous ?), ayant connu un succès d'estime avec la comédie musicale Judas m'a tuer, on suspend son contrat au bout de 33 ans et on dit que s'il est perché là-haut c'est à cause des clous Bensimon... Et ça marche ! Du feu de dieu. Ça fait un méchant tout désigné, qu'a un gros nez, et un beau logo à afficher au fronton de toutes les franchises, au cou de Madonna et un peu aussi dans les écoles, mais bon, on est laïque ou on ne l'est pas.

Comme les super-héros ont besoin de leur super-vilains, dieu a les siens. Après tout ils sont sa raison de vivre, et de nous faire culpabiliser au passage. Ils se succèdent, il en chie, et à la fin il perd. Mais comme c'est dieu, il revient, il revient, il revient parmi les siens. Dieu est unbreakable. Attendez voir, Superman, Spiderman, Batman... "Ils seraient pas un peu juifs ?" diront les super-hérauts de la quenelle coincée. Dieu, c'est quand ?  C'est quand tu veux.

Mais je ne suis pas venu vous dire que dieu n'est jamais là, surtout les soirs du tirage de l'Euromillions quand je n'ai pas joué. Ça vous le saviez déjà. Je ne vais pas tirer sur l'ambulance qui l'amène à son hôtel. Dieu c'est quand il y a absence momentanée de héros. Oui vraiment, quand on n'a plus de héros, on les fabrique. Je m'étais fourvoyé. Dieu n'est pas fonctionnaire, c'est un urgentiste, un interimaire de luxe. Ou un coureur de castings, qui n'hésite pas à se grimer d'une barbe pour décrocher le rôle. Et s'il est mauvais acteur, il a eu l'intelligence de créer des univers. Il y a le dieu pour pardonner toutes nos horreurs, et le dieu pour nous faire rêver. Dieu devait être à Yalta. Quand on voit le résultat...

Le 14 octobre 2012, il y en a un qui a décidé de monter au ciel pour lui dire deux mots. En arrivant, il n'a pas été déçu. Il dût constater par lui-même que les locaux étaient vides. Finalement, c'était peut-être pour lui que dieu avait conçu cet endroit. Pour le lui louer plus tard. Un investissement locatif. Dieu est business, sentiment insidieux. Alors son visiteur ne s'est pas attardé, dieu, c'est quand tu es à 39.000 mètres d'altitude, et que tu sautes. Ce jour-là, j'étais devant mon écran. Je n'ai pas honte de dire que quand je l'ai vu s'élancer, j'ai fondu en larmes. Les évangélistes journalistes commentateurs crétins de tout poil ont eu beau nous expliquer que c'était rien que du marketing, sans blague, merci les mecs, ça c'est de l'analyse, et même si tout ça c'est pour vendre des caméras, vous, petits dévots de mes deux, vous l'auriez fait ? Je ne suis pas venu construire un veau d'or avec un taureau rouge. Ce jour-là, dieu avait mis une combinaison. Il a réalisé que là-haut, il n'y avait que son reflet. Dieu, c'est quand tu es du bon côté du miroir.

Sometimes, you have to be up really high to understand how small you are...
Felix Baumgartner, 14/10/2012.

mercredi 22 janvier 2014

Bienvenue chez les tchis

Les déplacements, c'est bien. C'est l'occasion de quitter la grisaille et la désespérante platitude quotidienne des collègues gémissants pour visiter le monde, ou bien la chambre de commerce de Guéret, pour les moins chanceux. Dans tous les cas, c'est un enchaînement de protocoles dont vos colocs de bureau apprécieront la narration, car ils prendront le récit de vos journées interminables dans une blafarde salle de réunion new-yorkaise pour une épopée sur la route 66. Tout est dans le story-telling. Mais ne crachons pas dans la soupe, les déplacements j'adore ça, cette semaine j'ai pu m'évader pour le cœur ensoleillé de la cité phocéenne. La confirmation tardive d'un client pour un rendez-vous arriva pendant mon trajet aller, changeant le plan initial et m'obligeant à rester stationné surplace pour la nuit au lieu de rentrer le soir. Qu'à cela ne tienne, un Monoprix plus tard me voilà équipé, comme il se doit, du kit de survie en milieu hostile. Je peux me rouler dans la boue pendant des heures, mais ce sera toujours avec un slip propre. Slip donc, brosse à dents, et surtout chargeur d'iPhone, concrétisant trente années de progrès technologique pour réinventer le téléphone avec fil... Double retors, car sans appli il n'est plus de salut, icône Novotel, process réglé en moins d'une minute, la smart-life nous réserve plus de chambres d'hôtels que de surprises, pour un peu on se prendrait tous pour des maîtres du monde alors qu'elle nous rend de plus en plus esclaves.

Le soir venu, je pars en bon aventurier extra-périphérique explorer les alentours. Canebière, me voilà ! J'aime Marseille. Entre exagérateurs on se comprend. Et puis c'est en visitant cette ville que j'ai découvert tant de choses, notamment l'Afrique du Nord, le premier qui me dit que je suis raciste, je lui mets la tête dans une brique à La Joliette. La Joliette justement, où je m'engouffre dans le tram direction Belsunce. Nine Inch Nails gicle de mes écouteurs, mais je suis plongé malgré moi dans la conversation de la jeune femme assise en face. Car chez ces gens-là monsieur, on ne parle pas monsieur, on ne parle pas, on gueule. C'est un fait établi, une marque de  fabrique et une fierté locale, elle s'exprime avec cette voix rauque qui ferait passer Joey Starr pour un garçonnet pré-pubère, et avec cet accent dégénéré à côté duquel un ch'ti trisomique passerait pour Bernard Pivot.  "- ALLO ? Mais tchi m'avais dji qu'tu passerais aujôrdji ! Vasji, bâtard, va ! Tchi peux repasser mardji ou mercredji ?". Encore, elle aurait l'accent pétasse, comme toute bonne parisienne, je ne dirais pas, mais là, peuchère !

Quatre stations et une souffrance auditive plus loin, je suis tellement dépaysé que j'ai l'impression d'avoir fait deux heures de vol. Car Marseille, disons-le tout de go, c'est des paysans. Il suffit de voir comment les gens vous observent quand vous êtes sur la Canebière, pour ressentir le malaise du crocodile qui est rentré dans une maroquinerie. Comment dire, la faune locale instille une ambiance où il vaut mieux avoir la Rolex discrète. Tous ces géants d'un mètre quatre-vingt dix, en survêtement-casquette, qui me regardent de travers alors que merde quoi, je me faufile avec mon petit costume et mon trench, ça me rappelle l'histoire de la grenouille à grande bouche (du Rhône). J'ai pas mal bourlingué, j'ai traversé Kiev de nuit bourré comme un ukrainien, je me suis baladé le soir dans Alger, sans jamais ressentir de stress. Mais là, bon ben, je vais pas trop traîner en fait. Je glisse à pas feutrés, dans une espèce de moonwalk, c'est à peine si l'on aperçoit le "itulreb" sous mes semelles, vraiment pas de quoi fouetter un consultant. Quoique.

Ne pas traîner, ne pas se faire égorger, juste manger. Enfilade de petites rues, hésitations. Ce soir j'ai décidé d'être unplugged, de la jouer acoustique, sans antisèche électronique, c'est so 2006 ! Aaaah, le vieux port, ses ruelles avec leurs alignements de fausses brasseries qui tendent les bras aux gogos de passage pour leur servir du gras déguisé en aïoli et de vraies bouillabaises... Je vais pas faire le difficile, je suis seul, j'ai faim, autant dire je ne suis pas en position de la ramener. Une petite table entre un groupe de russes et un couple hollandais, ça ira bien. Et ça fait des grands schloups, et ça fait des grands schloups... Et je pense à demain, quand je longerai la corniche, la simple vue de la Pointe Rouge me remplira de joie. Je kiffe If ! Oups, j'ai fini les croûtons. Au moins me voilà réchauffé, prêt à roter toute la soirée. Blurp.


Le lendemain matin, c'est le protocole du cadre en déplacement. Ça commence dès le réveil, quand on entend la douche du voisin se déclencher en même temps que la nôtre, et l'on se dit "meeeeeeerde, j'espère que j'aurai de l'eau chaude". Tels des veaux grégaires, nous descendons tous ensemble au petit-déjeuner via l'ascenseur omnibus qui ramasse les visages endormis de commerciaux usés diffusant les effluves de leur mauvais after-shave, goût chèvre. Dans cette cellule c'est l'ultra-moderne solitude, un mortel casting de commis voyageur qui aurait inspiré Miller. Prendre son plateau, ramasser trois viennoiseries au cholestérol(ex), trouver et s'installer à une table qui n'a pas eu le temps d'être nettoyée. Un peu de piétinement autour de la machine à café, drogue tellement sacrée qu'elle énerve les gens même à l'extérieur de la tasse. Mâcher mollement en essayant de ne pas écouter les conversations des groupes voisins qui distillent bruyamment leurs histoires de bureau et leurs blagues qui ne font croustiller que leurs Corn Flakes. Refaire la queue pour le check-out, je vous agrafe le reçu ? oui merci, au revoir madame. Il est huit heures, Marseille bouchonne, mais ça sera toujours plus sympa que Paris. Qu'est-ce que je pourrais inventer pour rater mon train ?

lundi 6 janvier 2014

Des pourris et des hommes

Longtemps, je me suis bridé de bonne heure. Tout en retenue, j'ai résisté à la tentation, si forte pourtant, aussi intense mais moins carbonisée qu'un ristretto vendu par George Clooney. Oscar Wilde eût beau jeu de faire des phrases, si galvaudées depuis, sur la tentation. Le brave dandy avait tout loisir de dire en son temps "les envies prennent vie du côté de mes trous". Mon envie à moi, celle qui me ronge, qui me fait bouillir, est moins troglodyte, bien que noire comme le fond d'une caverne. Et quoi ? La pulsion de dire du mal ne saurait rester l'apanage de quelque clown sombre, fût-il un parfait nègre pour les discours d'Adolf Hitler. Il devrait faire attention d'ailleurs, on commence en haïssant les juifs, et on finit par détester les noirs et les arabes. Gare Dieudonné, tu files un mauvais barbelé ! Peut-être est-ce pour ça que tu veux en découdre. Peut-être est-ce par manque d'inspiration, par excès de concentration ou par zèle de nostalgie puisque le mot quenelle vient de l'allemand knödel. Heureusement qu'il existe à Paris de délicieux knödels casher, car je commençais à me demander ce qu'on peut attendre d'un pays où les gens font plus volontiers la quenelle que la queue, à l'exception des restaurants de falafels donc, où ils font l'une pour manger l'autre. Queue de paradoxes. Mais j'arrête là, sinon je vais avoir des idées noires, et me faire black-lister au motif que je suis antislam. Un comble, moi qui écoute Grand Corps Malade, qui est quand même beaucoup, beaucoup plus intéressant que grosse-tête-complètement-malade.

Dans cette ambiance so 1933, entre les plus âgés qui cautionnent par leur silence et les plus jeunes qui prennent ça pour une banale provoc' rigolote, je me suis dit, y'a une place à prendre. Y'a pas de raison, moi aussi y'a une race nuisible que je déteste, contre laquelle je vais laisser libre cours à mes instincts les plus bas. Il est temps de rétablir la vérité, de dire haut et fort à l'humanité quel ver immonde elle a mis au monde... Je hais les garagistes ! Dans le hall of fame des cafards à deux pattes et un seul neurone, il trônent à côté des taxis parisiens. Est-il créature plus malsaine, arrogante, malhonnête et retors qu'un garagiste ? L'homme au Delco entre les dents vous attend. Ah ça, il a le sourire. Il peut, puisque le simple fait de venir à lui vous coûtera 300 euros. Oui, même pour une Twingo. Et oui, même avec les pubs à la télé qui vous promettent des factures capées à 79 euros. La prochaine fois lisez bien les petites phrases qui défilent à toute vitesse en bas de l'écran pendant que monsieur Durand se fait enfiler un café, par le gentil chef d'atelier qui remplace George Clooney - encore - pour l'occasion (pour les véhicules neufs, George se déplace).

Il est vrai que l'on a le choix : aller chez le concessionnaire officiel pour avoir le carnet tamponné et la vaseline offerte. Ou bien se rendre dans un réseau franchisé type Speedy, où l'on vous garantit le même niveau de malhonnêteté, mais moins cher. Car si vous voulez connaître la saveur de l'arnaque, voir de quelle huile de synthèse elle se chauffe, rendez-vous dans l'enfer de ces faux garages où l'on vous insulte dès le pas de la porte, où l'on abîmera votre voiture mais vas'y m'sieur pourquoi vous m'accusez, où l'on recycle de l'incompétence racailleuse en vous faisant payer, au final, dix euros de moins que dans le réseau de la marque. Ainsi donc le low-cost garagistique c'est comme en transport aérien, de la gestion d'illusion et la certitude de vivre une sale expérience. Le seul intérêt dans cet univers, c'est que l'escroquerie est davantage perceptible que dans bien des grands cabinets où des men in black propres sur eux vous expliquent très poliment qu'il va falloir changer la courroie de distribution de votre entreprise.

C'est bien beau tout ça, enfin non, c'est bien moche, alors que faire, si un jour je tombe sur un garagiste juif ? Est-ce que ça existe d'abord ? Si oui, dois-je le protéger, ou bien le jeter en pâture aux tendeurs de bras (faites attention les garçons, il y a des gestes qui font craquer les chemises noires) ? Quoi que j'haïsse l'association des vidangeurs de portefeuilles, mes gènes, mon histoire, ma mémoire, me conduiront à lui offrir immédiatement une place dans ma voiture d'autant qu'elle est noire, ce qui prouve que je ne suis pas rancunier. Si c'est un homme, Dieudonné devrait s'en inspirer, les juifs ont beaucoup d'expérience en covoiturage.

mardi 31 décembre 2013

La guerre des cuvettes

Je l’entends arriver. C’est normal, l’espace est exigu, l’endroit résonne. J’enclenche aussitôt la procédure de discrétion silencieuse. Elle consiste à se terrer, se figer, comme un lapin dans son terrier, comme un sous-marin nucléaire en azimétrie passive, et rester immobile en espérant que ce lambeau qui pendouille ne lâchera pas, ce qui trahirait aussitôt ma présence en ces lieux d’aisance. C'est le début d'une sourde guerre des nerfs que tout le monde vit au moins une fois par jour mais dont personne ne se vante. Normal, c’est une histoire de vains culs. Tenir, tenir coûte que coûte en priant pour que la faïence devienne anéchoïque, c'est au premier qui craquera et sortira en terrain dégagé, brisant l'anonymat rêvé des moments peu glamour. Et ça peut durer looongtemps. Ces moments d'intimité forcée sont très révélateurs. Dis-moi comment tu chies, je te dirai qui tu es.

Chez des individus supposés socialisés, civilisés, instruits et espérons-le, propres, la simple arrivée d’un semblable dans le périmètre de la litière du premier provoque chez ce dernier une inénarrable tétanie sphinctérienne. Probablement est-ce dû à la peur d’être vu, entendu, croisé, voire démasqué comme l’auteur de ce vilain pet, le responsable de cette nauséabonde réplique de Bhopal. Admettons-le, croiser un collègue, pour peu que ce soit le chef, nous envahit d’un sentiment aussi humain que paradoxal : le soulagement de savoir que tout le monde a les mêmes contraintes physiologiques, mêlé à la gêne de s’en libérer en groupe. C'est d’ailleurs l'objet d'une phobie très répandue, la parurésie. Des années d’observation minutieuse de ces phénomènes copro-chutistes m’ont amené à en distinguer des tendances.

D’abord, propreté et statut social sont bien décorrélés. Je me souviens d’avoir été le témoin involontaire du passage d’un ponte du cabinet à l'endroit homonyme, alors que j’étais piou-piou. J'étais entré en action et je l'entendis débouler d’un pas énergique, c’était un grand gaillard au physique de rugbyman. Croisant un autre, il signa là sa présence avec un sonore « bonjour » de circonstance. Une fois cadenassé et installé, il lâcha la bride à une horde de scories fécales sous pression hyperbare dont l’évacuation fit trembler le bâtiment. Cette éruption coupa net mon timide égouttage collatéral. Il devait être très pressé car il repartit aussitôt et je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu le lavabo ni le pouêt-pouêt caractéristique de la pompe à savon.

Ce qui m’amène à la seconde observation... Le lavage de mains fonctionne de manière exactement inverse à la parurésie : beaucoup d’individus ne se lavent les mains que s’il y a des témoins. N'oubliez jamais cela quand vous déjeunez à la cantine avec un collègue qui a fait escale sur le chemin et pensez à lui demander s'il a croisé du monde.

Enfin, certains hommes, sans doute des créatifs contrariés, trompent l’ennui relatif de ces moments de sérénité animale en décorant ce qui est à leur portée avec ce qui est à leur portée. C’est ainsi que l’on trouve, accrochées aux carreaux telles des toiles de maîtres, des sculptures de matières muco-nasale savamment réparties. De même, est-ce par désir esthétique ou par instinct refoulé de marquage de territoire, que la délicate porcelaine blanche se trouve si souvent maculée de flaques, au point que l’on ressort de là en voyant le monde jaune citron ?

Je me suis toujours demandé comment c'était du côté des filles. A mon grand étonnement, j'ai souvent entendu le tonnerre gronder de l'autre côté de la cloison. Des rafales décomplexées, Aphrodite avait dû manger trop de moussaka.

mercredi 20 novembre 2013

Call of le ski

On est partis en retard, comme d'habitude. On essaie de se retrouver à une heure décente Porte d'Orléans, car on sait que la nuit va être longue au volant et courte au lit. On n'arrive jamais à tenir l'horaire, il faut finir le boulot avant de partir et les statistiques ne se démentent pas, c'est toujours dans ces moments-là que tout se cumule. Aaah!... La bourre, toujours la bourre... On finit par plier et on atteint l'autoroute à 20h. On est fatigués comme un jeudi soir, mais excités comme des puces devant un lapin vierge.
Vous avez compté combien de "on" jusque là ?
Armel prend le premier quart, je m'installe derrière et m'étale sous une couverture, c'est la première fois que je voyage à l'arrière de ma propre voiture. Un vis-ma-vie avec mes enfants, en quelque sorte. On discute de tout, de rien, mais surtout de tout. Pour s'extraire de Paris il faut un tire-bouchon, heureusement qu'on a de la bouteille. Le coffre est rempli de matériel glissant.

91, 77, 45, 89, 21. Passer Beaune et faire un baiser à la vigne hiverneuse de mes collines chéries. Les choses sérieuses commencent après Lyon. Cap à l'Est, à l'approche de Chambéry le sucre glace saupoudre les pentes, laissant présager que ça ne va pas être du gâteau. C'est la mi-décembre et la pellicule est vierge et fraîche. Le spot dans le ciel détache les silhouettes pré-alpines et l'on roule dans un camaïeu de bleu marine. Il faut vous imaginer dans l'atmosphère, avec le poids de cette fatigue souhaitée, presque complice, et Radiohead répondant magnifiquement à la lune bienveillante qui nous précède en éclaireuse. Les phares xénon c'est pour les frimeurs. Reckoner installe une ambiance que l'on pourrait, que l'on devrait filmer, paisible, concentrée et voyageuse. C'est notre road-trip d'ouverture, sur la route des pistes. En l'occurrence la route est devenue une piste, maintenant couverte par dix centimètres de poudre. Cette poudre-là, c'est comme une drogue.

Sorti de nulle part, un convoi d'espagnols fait naufrage sur la BAU. Dans une corrida inattendue, notre taureau noir fend un balai d'échoués clignotants qui installent leurs chaînes xanthophores dans ce halo d'orange et de blanc. Un balai d'essuie-glaces, une réaction en chaînes, si je puis dire. Il s'en passe des choses, There There. J'ai greffé des pneus hiver, ça nous permet de monter sur le blanc en neige, on n'est pas des bleus. Les trente kilomètres qui séparent Moutiers de Val Thorens sont un parc d'attraction, un Space Mountain au ralenti, un parcours délicieux que nous avalons seuls au monde dans un blizzard qui a laissé les copains et les inconnus déchaînés immobiles. La route est fermée, on en est à vingt centimètres de neige. 3h17 à l'horloge, la nuit s'annonce de la même couleur que la route : blanche. Une ascension en 4x4 à crampons, totalement assumé (le 4x4), même pas peur, on se partage les virolos, croisons un renard, en faisons un roman, nous rapprochons de notre troisième étoile. Telle est ma quête, suivre l'étoile.

La seule trace de vie à l'arrivée ce sont les anglois beuglants et fumants qui avalent leurs bières en t-shirt sur les terrasses. Il fait -13°C, nous sommes à 2.300 mètres. Pas de doute, ce ne sont pas des êtres humains. 4h47, déchargement terminé, les skis sont au casier, Everything in it's right place. Couchage initié, ça laisse deux heures avant d'aller croquer les pistes. 5h08, le téléphone sonne. Il faut retourner chercher les copains bloqués à Moutiers. Le sommeil peut attendre, la neige, moins.

Nous sommes collègues, confrères, concurrents parfois, mais surtout nous sommes potes. Nous ne raterions pour rien au monde ces trois jours sur nos planches et sous les radars. C'est un plan de mecs, dixit Gainsbourg. Un rite annuel, simple. Pas de chichis, pas de beauferies. Des garçons droits avec des skis paraboliques, qui malgré le rhum chauffeur de soirées ne se sentent pas obligés de meugler. C'est qu'on a le vin fin, nous, monsieur ! On descend vite et en silence, presque furtifs. C'est Call of le ski, le seul jeu vidéo que j'aime, parce que la console, c'est les Alpes, l'écran blanc de mes nuits noires, le seul univers où l'on est heureux que ça sente le sapin.

Un jour de décembre 2010, ils m'ont sauvé la mise, c'était un jour blanc. Dans un élan d'intégrisme skieux, j'ai voulu me faire sauter comme une bombe Atomic. Je n'ai pas vu que c'était un petit ravin, j'ai juste vu le sang sortir par ma bouche quand je me suis aplati tel une bouse à la chandeleur. Ils ont foncé, la barquette a pu me ramasser à temps, rouge sur blanc avant l'écran noir. Nous approchons la fin novembre, j'ai de la neige qui boue dans le sang.

mardi 12 novembre 2013

Lapin glycéro

J'en ai encore reçu un aujourd'hui, un de ces courriers format A4 dont le poids vous fait dire que le prix des timbres aurait payé la perceuse que vous venez d'acheter chez Merlin l'emplâtreur. La simple vue du logo en relief sur l'enveloppe vous flatte l'ego en vous chuchotant que vous faites partie du club privé des happy fews de chez Trucffany, sentiment amplifié par la lecture de mon nom et de mon adresse calligraphiés. L'enveloppe satinée fait presque office de papier cadeau. La mise en scène postale est réussie.

N'osant pas déchirer cet écrin, je pratique une enveloppectomie à l'aide de ciseaux et sors un magnifique catalogue à la couverture imitation croco et aux pages si épaisses qu'à chaque fois qu'on en tourne une on a l'impression de sauter un chapitre. Osez Joséphine, c'est du luxe Valentine. Une sorte de peinture glycéro-sociale. A la réflexion, en peinture, en papier, en coton ou en tôle, le luxe c'est une question d'épaisseur. Ça se démontre facilement. Regardez les maisons qui se sont envolées comme des fétus de paille aux Philippines vendredi dernier, on voit tout de suite que c'est de la camelote. L'histoire des trois petits typhons se répète, encore et encore, c'est que le début, d'accord, d'accord. Le Nouf-Nouf qui est en moi voit rose et comme ce vilain cyclone a gâché un week-end prolongé qui s'annonçait sous les meilleurs auspices, ceux de Beaune, j'ai décidé de me plonger dans le catalogue de Truc pour oublier un peu toute cette misère. C'est vrai quoi, à peine a-t-on eu le temps de tirer la chasse sur les naufragés de Lampedusa qu'arrive la promo suivante de gueux, ça commence à me briser les boutons de télécommande.

Va pour un plongeon dans un océan d'insouciance. En quelques lignes, je me sens aspiré comme Alice dans le terrier du lapin. Une galerie de personnages tous beaux, photoshopés mais beaux, me regardent et me susurrent que je vais avoir le droit de faire des trucs eeeeexclusifs chez Truc mais surtout à la fin il ne faut pas oublier d'acheter des trucs parce que faut pas déconner non plus, comme en magie, il y a toujours un truc. Si le stéroïde egoïsant fait effet, vos glandes Amex vont passer un sale hiver. Vos paupières sont lourdes, vous vous voyez déjà en haut de l'affiche, cette montre au poignet, cheveux au vent, conduisant négligemment une magnifique Delahaye 135M Roadster aux côtés d'une mannequin improbable. Non, vraiment, improbable. Histoire de vous enduire le trou duc de stuc, et avec le sourire, on vous octroie royalement 20% de réduc ce qui quand on y réfléchit ramène le prix là où il aurait toujours dû être : à six fois le Smic. Mais moi, pas de bol, je suis fils de chirurgien et il me faut plus qu'un peu de Propofol pour m'endormir.

Clac ! Livre refermé, Delahaye pliée, je me délecte à décortiquer le mécanisme cérébral de ceux qui sniffent ce genre de volutes, celles que le lapin crétin souffle dans leurs narines pour les mener par le bout du nez. Mais dans le mien de nez, il y a des cristaux de moutarde qui montent, question de développement du râble. Les cercles de luxe en tous genres sont les filiales d'une seule maison mère, celle des idiots qui se regardent le nombril. Narcisse, tu as dû beaucoup forniquer pour autant te reproduire, oserai-je dire que tu as niqué comme un léporidé. A moins que ce ne soit l'inverse. A grands renforts de pipes, ton opium est devenu plus raffiné que tes fans.

C'est sec ? En avant pour la deuxième couche. De tous les clubs qui vous font croire que l'élégance s'achète et vous jettent le DNA de la brand (expression authentique utilisée par une marketeuse venue me former il y a des années) à la figure, l'un des plus actifs du moment est celui des calcéologues. D'avoir rassemblé trop d'ânes, il a fait des émules, à grands renforts d'épais catalogues et de ministres boiteux. J'en sais quelque chose, je suis inscrit aux anciens calcéologues anonymes. Voici venu le banc des petits marquis poudrés version 2013 qui se prennent pour des pointures et se pavanent entre la Madeleine et la rue Marbeuf vêtus en Monsieur Du Snob, dissertant doctement sur l'art de colorier le cuir. S'ils pouvaient sortir de leur corps pour se regarder marcher, nul doute qu'ils le feraient, en se courbant bien pour peindre leurs talons en rouge. Le dandysme c'est du ridicule qui gangrène, ça commence par vous prendre les pieds et ça remonte le long des jambes. Heureusement ce n'est pas trop contagieux. La preuve, il n'a pas atteint l’Éthiopie, laboratoire mondial de test pour toutes les pires épidémies. Dès lors comment ne pas déféquer sur le paillasson de ceux qui essuient leurs souliers point nets ? Et en même temps, comment ne pas pleurer en regardant l'état des chaussures de 90% des cadres ? Certains mangent du cirage pour briller en société, d'autres en privent leurs attributs les plus précieux. Le cuir s'assèche et laisse la peau à vif. Le luxe, une question d'épaisseur je vous dis.