Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
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mardi 4 février 2014

Dieu, c'est quand ?

Que répondre à cette question d'enfant entendue il y a quelques jours et sur laquelle des générations de rabbins ont usé le fond de leur schtreimel sans réussir à trouver une réponse unanime ?
Grosso modo, dieu c'est quand il arrive quelque chose de bien.
Oui mais non. Trop facile. Surtout que le principal intéressé a peaufiné son joli rôle, il a développé une version dieu point zéro. Quand l'ambiance est au beau fixe, c'est tout grâce à lui. Et quand ça se gâte, qu'il arrive quelque chose de mal, c'est qu'on l'a bien mérité. Trop drôle, quand je repense à cette tempête qui noya Lourdes il y a un an. Le business case est bien construit, tout bénèf. Dieu est un as du marketing, il doit travailler chez Orange. Peut-être est-ce pour ça qu'il est constamment sur messagerie. A force de commettre des forfaits il a explosé le sien. J'ai bien tenté de lui envoyer des sms depuis le mur des textos à Jerusalem, mais pas de réponse. Oui vraiment, il doit travailler chez un opérateur télécom pour ignorer autant de réclamations et trimballer autant de bugs. Au choix : cancer, trafics d'organes, violence envers les enfants, génocides, The Voice.

On ne va pas tous les lister, il nous faudrait la capacité de stockage de la NSA. Le fait est qu'aujourd'hui tout le monde s'accorde à dire que dieu ne fait pas son boulot. Dieu c'est quand tu veux résilier ton abonnement. Là, il se réveille. Le service commercial t'appelle. Dans l'organisation divine, c'est le Département Coulpe. "Allo, bonjour, nous avons bien noté votre demande. Sachez que si vous résiliez maintenant, vous perdrez vos miles et votre statut premium qui vous donne droit à un espace plus grand au paradis. Connaissez-vous notre programme 'changer de missel/tapis/talith' [rayez les trois mentions inutiles] ? Si vous vous ré-engagez pour 24 ans, nous vous fournissons un missel/tapis/talith [rayez les trois mentions inutiles] haut de gamme pour juste un euro !". Ça marche plutôt pas mal, ils arrivent à limiter l'attrition client. En revanche, côté après-vente...

S'il est vraiment chez Orange, il a un emploi à vie, et en plus il s'est fait élire délégué du personnel. Bref, il est invirable. Il a bien joué en se faisant tailler un statut de fonctionnaire. Pour les autres, il a créé les DRH. Dans le privé, au vu de ses résultats et de son âge, il y a longtemps qu'il aurait été viré.

Les candidats à The God (saison 2) pendant une battle
Bien sûr, il a laissé émerger quelques spin-offs, histoire de créer une concurrence artificielle pour inonder le marché. Toutes les maisons mères ont leur filiale low-cost. Les dirigeants de la sous-marque ont voulu se démarquer en donnant une figure à leur divinité. Hop, on passe de dieu c'est quand à dieu c'est qui. C'est toi ? Ben non. C'est toi alors ? Mais non !! Messie !! Bon sang c'est qui à la fin ? Comme dirait le nouveau Robocop : quand on n'a plus de héros, on les fabrique. Alors, faute de candidat naturel, on auditionne un juif baba-cool intermittent du spectacle vaguement acrobate (est-ce que sa mère aurait participé à la manif pour tous ?), ayant connu un succès d'estime avec la comédie musicale Judas m'a tuer, on suspend son contrat au bout de 33 ans et on dit que s'il est perché là-haut c'est à cause des clous Bensimon... Et ça marche ! Du feu de dieu. Ça fait un méchant tout désigné, qu'a un gros nez, et un beau logo à afficher au fronton de toutes les franchises, au cou de Madonna et un peu aussi dans les écoles, mais bon, on est laïque ou on ne l'est pas.

Comme les super-héros ont besoin de leur super-vilains, dieu a les siens. Après tout ils sont sa raison de vivre, et de nous faire culpabiliser au passage. Ils se succèdent, il en chie, et à la fin il perd. Mais comme c'est dieu, il revient, il revient, il revient parmi les siens. Dieu est unbreakable. Attendez voir, Superman, Spiderman, Batman... "Ils seraient pas un peu juifs ?" diront les super-hérauts de la quenelle coincée. Dieu, c'est quand ?  C'est quand tu veux.

Mais je ne suis pas venu vous dire que dieu n'est jamais là, surtout les soirs du tirage de l'Euromillions quand je n'ai pas joué. Ça vous le saviez déjà. Je ne vais pas tirer sur l'ambulance qui l'amène à son hôtel. Dieu c'est quand il y a absence momentanée de héros. Oui vraiment, quand on n'a plus de héros, on les fabrique. Je m'étais fourvoyé. Dieu n'est pas fonctionnaire, c'est un urgentiste, un interimaire de luxe. Ou un coureur de castings, qui n'hésite pas à se grimer d'une barbe pour décrocher le rôle. Et s'il est mauvais acteur, il a eu l'intelligence de créer des univers. Il y a le dieu pour pardonner toutes nos horreurs, et le dieu pour nous faire rêver. Dieu devait être à Yalta. Quand on voit le résultat...

Le 14 octobre 2012, il y en a un qui a décidé de monter au ciel pour lui dire deux mots. En arrivant, il n'a pas été déçu. Il dût constater par lui-même que les locaux étaient vides. Finalement, c'était peut-être pour lui que dieu avait conçu cet endroit. Pour le lui louer plus tard. Un investissement locatif. Dieu est business, sentiment insidieux. Alors son visiteur ne s'est pas attardé, dieu, c'est quand tu es à 39.000 mètres d'altitude, et que tu sautes. Ce jour-là, j'étais devant mon écran. Je n'ai pas honte de dire que quand je l'ai vu s'élancer, j'ai fondu en larmes. Les évangélistes journalistes commentateurs crétins de tout poil ont eu beau nous expliquer que c'était rien que du marketing, sans blague, merci les mecs, ça c'est de l'analyse, et même si tout ça c'est pour vendre des caméras, vous, petits dévots de mes deux, vous l'auriez fait ? Je ne suis pas venu construire un veau d'or avec un taureau rouge. Ce jour-là, dieu avait mis une combinaison. Il a réalisé que là-haut, il n'y avait que son reflet. Dieu, c'est quand tu es du bon côté du miroir.

Sometimes, you have to be up really high to understand how small you are...
Felix Baumgartner, 14/10/2012.

mercredi 22 janvier 2014

Bienvenue chez les tchis

Les déplacements, c'est bien. C'est l'occasion de quitter la grisaille et la désespérante platitude quotidienne des collègues gémissants pour visiter le monde, ou bien la chambre de commerce de Guéret, pour les moins chanceux. Dans tous les cas, c'est un enchaînement de protocoles dont vos colocs de bureau apprécieront la narration, car ils prendront le récit de vos journées interminables dans une blafarde salle de réunion new-yorkaise pour une épopée sur la route 66. Tout est dans le story-telling. Mais ne crachons pas dans la soupe, les déplacements j'adore ça, cette semaine j'ai pu m'évader pour le cœur ensoleillé de la cité phocéenne. La confirmation tardive d'un client pour un rendez-vous arriva pendant mon trajet aller, changeant le plan initial et m'obligeant à rester stationné surplace pour la nuit au lieu de rentrer le soir. Qu'à cela ne tienne, un Monoprix plus tard me voilà équipé, comme il se doit, du kit de survie en milieu hostile. Je peux me rouler dans la boue pendant des heures, mais ce sera toujours avec un slip propre. Slip donc, brosse à dents, et surtout chargeur d'iPhone, concrétisant trente années de progrès technologique pour réinventer le téléphone avec fil... Double retors, car sans appli il n'est plus de salut, icône Novotel, process réglé en moins d'une minute, la smart-life nous réserve plus de chambres d'hôtels que de surprises, pour un peu on se prendrait tous pour des maîtres du monde alors qu'elle nous rend de plus en plus esclaves.

Le soir venu, je pars en bon aventurier extra-périphérique explorer les alentours. Canebière, me voilà ! J'aime Marseille. Entre exagérateurs on se comprend. Et puis c'est en visitant cette ville que j'ai découvert tant de choses, notamment l'Afrique du Nord, le premier qui me dit que je suis raciste, je lui mets la tête dans une brique à La Joliette. La Joliette justement, où je m'engouffre dans le tram direction Belsunce. Nine Inch Nails gicle de mes écouteurs, mais je suis plongé malgré moi dans la conversation de la jeune femme assise en face. Car chez ces gens-là monsieur, on ne parle pas monsieur, on ne parle pas, on gueule. C'est un fait établi, une marque de  fabrique et une fierté locale, elle s'exprime avec cette voix rauque qui ferait passer Joey Starr pour un garçonnet pré-pubère, et avec cet accent dégénéré à côté duquel un ch'ti trisomique passerait pour Bernard Pivot.  "- ALLO ? Mais tchi m'avais dji qu'tu passerais aujôrdji ! Vasji, bâtard, va ! Tchi peux repasser mardji ou mercredji ?". Encore, elle aurait l'accent pétasse, comme toute bonne parisienne, je ne dirais pas, mais là, peuchère !

Quatre stations et une souffrance auditive plus loin, je suis tellement dépaysé que j'ai l'impression d'avoir fait deux heures de vol. Car Marseille, disons-le tout de go, c'est des paysans. Il suffit de voir comment les gens vous observent quand vous êtes sur la Canebière, pour ressentir le malaise du crocodile qui est rentré dans une maroquinerie. Comment dire, la faune locale instille une ambiance où il vaut mieux avoir la Rolex discrète. Tous ces géants d'un mètre quatre-vingt dix, en survêtement-casquette, qui me regardent de travers alors que merde quoi, je me faufile avec mon petit costume et mon trench, ça me rappelle l'histoire de la grenouille à grande bouche (du Rhône). J'ai pas mal bourlingué, j'ai traversé Kiev de nuit bourré comme un ukrainien, je me suis baladé le soir dans Alger, sans jamais ressentir de stress. Mais là, bon ben, je vais pas trop traîner en fait. Je glisse à pas feutrés, dans une espèce de moonwalk, c'est à peine si l'on aperçoit le "itulreb" sous mes semelles, vraiment pas de quoi fouetter un consultant. Quoique.

Ne pas traîner, ne pas se faire égorger, juste manger. Enfilade de petites rues, hésitations. Ce soir j'ai décidé d'être unplugged, de la jouer acoustique, sans antisèche électronique, c'est so 2006 ! Aaaah, le vieux port, ses ruelles avec leurs alignements de fausses brasseries qui tendent les bras aux gogos de passage pour leur servir du gras déguisé en aïoli et de vraies bouillabaises... Je vais pas faire le difficile, je suis seul, j'ai faim, autant dire je ne suis pas en position de la ramener. Une petite table entre un groupe de russes et un couple hollandais, ça ira bien. Et ça fait des grands schloups, et ça fait des grands schloups... Et je pense à demain, quand je longerai la corniche, la simple vue de la Pointe Rouge me remplira de joie. Je kiffe If ! Oups, j'ai fini les croûtons. Au moins me voilà réchauffé, prêt à roter toute la soirée. Blurp.


Le lendemain matin, c'est le protocole du cadre en déplacement. Ça commence dès le réveil, quand on entend la douche du voisin se déclencher en même temps que la nôtre, et l'on se dit "meeeeeeerde, j'espère que j'aurai de l'eau chaude". Tels des veaux grégaires, nous descendons tous ensemble au petit-déjeuner via l'ascenseur omnibus qui ramasse les visages endormis de commerciaux usés diffusant les effluves de leur mauvais after-shave, goût chèvre. Dans cette cellule c'est l'ultra-moderne solitude, un mortel casting de commis voyageur qui aurait inspiré Miller. Prendre son plateau, ramasser trois viennoiseries au cholestérol(ex), trouver et s'installer à une table qui n'a pas eu le temps d'être nettoyée. Un peu de piétinement autour de la machine à café, drogue tellement sacrée qu'elle énerve les gens même à l'extérieur de la tasse. Mâcher mollement en essayant de ne pas écouter les conversations des groupes voisins qui distillent bruyamment leurs histoires de bureau et leurs blagues qui ne font croustiller que leurs Corn Flakes. Refaire la queue pour le check-out, je vous agrafe le reçu ? oui merci, au revoir madame. Il est huit heures, Marseille bouchonne, mais ça sera toujours plus sympa que Paris. Qu'est-ce que je pourrais inventer pour rater mon train ?

vendredi 30 août 2013

Laurence, Paul et Mick

La lecture d’un article dans mon tabloïd préféré m’a bien fait rire. On y apprend que Laurence P., de Paris, va devenir polémiste dans une célèbre station de radio. Polémiste… Ah, le joli mot !… C’est quoi au juste un(e) polémiste ? Un(e) journaliste qui écrit des polèmes ? L'enfant de Ptolémée et d'un ébéniste, mais sans la science des deux ? A en croire les exemples récents, c’est plutôt un individu agressif ayant un QI d'escargot et payé pour baver des injures au kilomètre sur quelqu’un qui ne lui a rien demandé. C’est sympa comme boulot, ça. Polémiste, ce n’est même pas un néologisme, c'est encore un de ces mots à la con parce qu'à la mode. Cela existe depuis bien longtemps, mais le pamphlet d'autrefois laisse place à des guillonneries, la vindicte populaire sous-traite à la vindicte délétère. Désormais il/elle ressemble plus à un Terminator qu’à quelqu’un qui utilise la provocation pour nous faire réfléchir. Las ! Réfléchir, c'est désobéir, exercice de tir, tout(e) invité(e) s'appelle Sarah Connor et se pointe affublé d'un tilak. L'arrivée de Laurence illustre la mutation du T101 au T1000 en alliage poli, mime-éthique.

Peut-être que des décennies d’obséquiosité courtisane à l’égard des puissants font culpabiliser l’engeance journalistique au point qu’elle se sent obligée, pour faire mine de se rattraper, de sombrer dans l’excès inverse.
Bousculer, c’est bien. Vous voyez messieurs-dames, chez nous y'a pas de connivence.
Ben voyons.
Jeter du people en pâture au populo, c’est top pour le 'dimat. C’est un exutoire, un jeu comme un autre, de l’entertainment en somme. Ça ou un match de foot. Allez Invité, reviens, c’était pour rire !

Ou bien peut-être que vingt ans de politiquement correct nous ont tellement anesthésiés que la moindre objection, votre honneur, nous apparaît comme la controverse du siècle. Je me souviens de Droit de réponse et de ses célèbres pugilats en direct. Polémique à l'époque s'écrivait avec deux cocards. Mais alors me direz-vous, c'est contradictoire : c'était plus virulent avant et aujourd'hui tu critiques le retour de la virulence ?
Non.
Avant, c'était virulent mais franc du collier. Aujourd'hui, à l'instar de ce qu'on bouffe, c'est beaucoup plus visqueux, les toreros et toreras audio-visuels ont une vésicule biliaire en guise de muleta.

Peut-être encore fallait-il renouveler le genre chroniqueur d’émission de télé/radio (les deux genres ont fusionné depuis l'installation de webcams dans les studios de radio). A force de pulluler, ils finissent en déchets. Alors au nom de son côté miroir (mais quel côté ?), la télé commande de nouvelles têtes. Pour un bon casting, vous prenez une posture bien arrogante, bien teigneuse, et vous faites votre Brice de Nice, mais en pas drôle. Dans le Naulleau, y’a que de l’ego, zéro calorie pour le cerveau !

La différence entre la bande à Laurence et ceux d’avant, c’est que les newbies sont issus du sérail politique. Cohn-Bendit, Bachelot, Bougrab… C'est Friends 2.0. Mitterrand c’est pas pareil, il vient de la télé et il est puni, il y retourne.
Est-ce pour garantir et consolider cette complicité viscérale, ou au contraire la faire exploser par des agents infiltrés dans la matrice ? Sainte consanguinité, priez pour nous. Accordons-leur toutefois deux qualités. D'abord, avant de devenir corbeaux, ils ont été renards. Ensuite, on sait ex ante de quel bord ils sont. Ce sera rigolo de voir s'il tiennent en équilibre sur un plateau.

samedi 22 juin 2013

La compagnie de la mouette bleue

La mémoire est un phénomène extraordinaire. On parle souvent de ses trous, moins de ses détours. Or parfois elle nous en joue, des tours. Comme pour faire de nous d'improbables Sisyphe eidétiques, elle décide de nous accrocher un boulet que nous pousserons sur nos montagnes de souvenirs. Le cariste de notre cerveau-IKEA nous en ramène quelques-uns en kits, avec la dévotion du labrador convaincu que nous voulons passer le reste de notre vie à relancer ces putains de bouts de bois. Comme une écharde dans le synapse, chacun fait l'effet d'un aliment coincé entre deux dents. On fait mine de s'habituer, ça devient un tic, on passe la langue pour tenter de le déloger, tantôt par surprise, tantôt en force. Sauf que les souvenirs partiels, ça ne se traite pas avec du fil dentaire.

C'est le genre de sujet que vous ne pouvez partager avec personne. On doit être tout au plus deux dans le monde à s'interroger sur ce lambeau d'image, de musique, de texture ou d'odeur, autant dire l'inintérêt qu'elle a dans une discussion en société. C'est à peu près aussi captivant que de parler de son nin-nin. Si toutefois vous l'évoquez, vous risquez de passer pour le Gilbert Sellman de service lorsqu'il clame "ça tombe bien, mon frère est gendarme !". Vous voilà prévenus. Assurez donc vos arrières et avouez plutôt que vous regardez Secret Story, il y aura toujours quelqu'un qui trouvera ça amusant.

Vous êtes donc seul(e) ou presque. Dans un moment de mansuétude, Mnémosyne eut pitié de vous et introduit un ami dans votre cellule neuronale. Google fait ce qu'il peut, mais depuis tant de temps la question est trop large, elle renvoie trop de résultats. Générique de série télévisée, années 1970, Visiteurs du mercredi... Non, ce n'était ni Les Robinsons suisses ni Skippy le grand gourou. Trop évident tout ça. Parmi les rares indices il y avait bien ce mot étrange, "tokismo", capté dans un flot de paroles. La clé de l'énigme, peut-être ? Qu'est-ce que ça pouvait vouloir dire ? Inconnu au bataillon des mots-clés. Ce n'était pas du français, c'est certain. De l'anglais ? A 6 ans, je n'en savais rien. J'avalais les syllabes phonétiquement, comme celles de Travolta dans Grease : "Agatiou, zébo ze blayeur..." version auto-interprétée de "I got chills, they're multiplying..." (au passage il est intéressant de noter comment la ligne de basse de ce morceau a inspiré celle du générique des Bronzés font du ski, dont peu de gens savent qu'elle fût composée par Pierre Bachelet, je tiens à cette parenthèse hautement culturelle et parfaitement hors-sujet). Ça fait léger pour identifier une séquence.

Avec comme dernier recours un bout de mélodie en tête, c'est un échantillon, pas une requête. J'avoue, j'ai même fredonné l'extrait dans SoundHound. Réponse de l'application : "Alex, on peut se parler franchement... Tu vois, si tu voulais passer le casting de The Voice, comment dire... Tu sais, c'est bien comme métier aussi, consultant...". Las ! Que n'ai-je introduit un éditeur SQL dans ma cervelle !

Il restait les forums, drôles de manèges qui tournent en rond. Vous êtes suspendu au souvenir d'un autre, comme sur un trapèze. Et puis un jour, un esprit béni poste un commentaire fourni, contenant la liste exhaustive de toutes les séries pour la jeunesse diffusées dans les années 1970. Quelques clics, croisement d'informations... Allelujah !! Voilà, vous y êtes, c'est le générique d'une série yougoslave - à l'époque, l'ex-Yougoslavie n'existait pas encore - une bande de mômes sur un caïque, non ce n'était pas le radeau de la méduse ce bateau, et encore moins l'école en voilier. Cette mélodie, ce chant qui sonne patriotique, le mot-clé... And the winner is : La compagnie de la mouette bleue ! Enchanté, moi c'est Alex. Franchement, ça vous dit quelque chose ? Peu importe, à cet instant un grand soulagement m'envahit, à la fois profond et absurde. Après 35 ans de poil à gratter mental, je rends à ces arts ce qui appartient à la tierce mémoire, ce soir je dormirai du sommeil lourd de celui qui a l'esprit léger.

PS : par une authentique ironie du sort, une mauvaise manipulation m'a fait effacer ce texte au moment de le mettre en ligne. Je l'ai réécrit intégralement de mémoire, mais vous n'êtes pas obligés de me croire ! :o)

jeudi 18 avril 2013

Casse-toi casteur

En 1983, c'était il y a 30 ans, c'est vous dire si je suis fort en calcul, le film Le prix du danger réalisé par Yves Boisset préfigurait ce qu’allait devenir la télé-réalité, bien avant que ce néologisme ne passe dans le langage courant. Le film est une talentueuse adaptation cinématographique de la nouvelle éponyme de Robert Sheckley.

Je regarde peu la télévision, mais je pense souvent à cette histoire tant sa justesse l'a rendue prophétique. En France, nous supportons, nous subissons depuis 2001 les assauts polluants de cet univers fast-watch qui est au cerveau ce que le Big Mac est à l'estomac. Douze ans, ça commence à faire long pour une St. Barthélémy des neurones. Ce registre télévisuel a été en grande partie inspiré et importé de la télévision italienne, avant-gardiste en la matière (et sous l'influence de qui, hein, je vous le demande ?).

Si l'attrait de la nouveauté, à grands renforts de publicité voyeurigène, a pu bénéficier au corps et aux nichons de Loana, on ferait bien, en l'observant aujourd'hui, de prendre garde aux effets secondaires. A l’image du modèle économique qui l’a créée, la télé-réalité se fissure, elle craque de partout. On n'a plus le cœur à Koh Lanta et les ex-émissions phares sont reléguées sur les chaînes obscures de la TNT. Comme un virus qui mute, elle inocule toutes les fréquences et la seule télécommande ne suffit plus à se soulager. Pis, la télé-réalité se recycle elle-même jusqu'à devenir son propre sujet d'observation. Un coup à retourner Camus dans sa tombe ! Qu’est-ce qu’une Nabilla sinon une Loana 2.0 ? Ce sont des bactéries, des amibes qui gesticulent, empêtrées dans une boîte de Petri.

Certes, elles sont exploitées par des chaînes et des journalistes aussi préoccupés de nous épanouir que Spanghero l'est de bien nous alimenter. Comme on réforme les tocards des champs de courses, on évacue les imbéciles des tournages de films de cul pour en faire des casteurs professionnels, de la chair à M6. Toujours outrageusement bronzés, ils courent les castings et monopolisent les plateaux, devenus pour l'occasion des plateaux de fruits de mer où ils échouent tels les algues vertes sur les plages désertées de l'audimat. Parasites d'un écosystème où tant de gens talentueux peinent à gagner leur vie, ils s'imposent à force de vulgarité, à la recherche de ce quart d'heure de célébrité qu'Andy Warhol, en bon commercial,  leur avait vendu sans en préciser le prix ni la nature chimérique. King for a day, fool for a lifetime, ils prouvent que l'on peut être stakhanoviste dans le désœuvrement, à la fois ignare et omnichiant. En coulisse, ils évoquent tel ou tel «shoot» aux Seychelles, convaincus que c’est the place to be. Enfin, dans leur référentiel, peut-être. C'est bien connu, le paradis de ces anges ressemble à la pub Tahiti Douche où Unetelle pourra exhiber un bout de sein, nom d'une PIP, en guise d'offrande pour quinze minutes de postérité en plastic. Mais Tahiti Douche ne peut rien pour ceux qui transpirent la médiocrité par chaque pore de leur peau forcément couverte de tatouages parce que ouais, les tatouages, ben j'sais pas quoi, c'est comme si j'disais, t'es un mec, t'as pas de tatouages. Croyez-moi, alexagère pas du tout. Je travaille juste à côté d'M6, et depuis des années, j'en ai vu défiler de la starlette. Vous Moundirez tant. Au royaume des Giuseppe, il y a beaucoup de sujets, sauf pour les conversations...

Quelle sera la prochaine étape, une surenchère ? Ou bien une résilience salvatrice nous ramènera-t-elle un peu d'oxygène mental ? Je n'en sais rien, mais je tenais à donner un coup de chapeau à Rémi Gaillard, qui vient de réussir un coup de maître en plongeant le nez de TF1 dans le minerai médiatique qu’elle a généré (voir ici et ).