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mardi 10 février 2015

Ça sent le sapin

Elle me manque, mon Autriche quasi-natale. A trois mois près, on m’aurait appelé Alexander. Elle me manque, il faut que je la voie au moins une fois par an. C'est bête comme chou, comme un retour au code source. J’ai besoin d’étreindre mon Tyrol, d'entendre sa musique, dormir dans ses prairies, voir mes montagnes, sentir mes sapins en me promenant sur les wegs. Même si mon village est devenu une station star, boursouflée d'hôtels pour russes en goguette, je l'aime. Et mes pistes ! Ah, mes pistes, vous m’avez vu grandir, glisser, sauter, tomber, me relever. Vous avez fait de moi un krazy kanguruh heureux. Précision : ce nom est celui d'une piste bosselée mythique qui s'est fait voler sa notoriété par le chalet devenu bar branchouille installé sur son bord, où désormais des tonnes de viande saoule vont et viennent au son du DJ et des rots de chevaliers teutons. Mais qu’est-ce que ça peut faire comme bruit un kangourou ! Et puis vint l’adolescence, la bière, les wursts, les filles, les wursts dans les filles. Et la neige, toujours. J’ai un flocon dans le cœur. Juste derrière l'étoile.

Noël, c'était magique. Il faut dire que là-bas, on ne rigole pas avec le petit Jésus. Conifères parés de leurs plus beaux oripeaux, cuisine à se damner comme les pistes, grands feux crépitants, cloches, bougies et couronnes. Ô Tannenbaum... Une ambiance flamboyante, quelque part entre Heidi et le Klu Klux Klan. Oui, car c'est un endroit où les bronzés ne font pas de ski. Les seuls qui ont droit de cité, ce sont les rois mages. Et encore, c'est pour un CDD de 24 heures.

Qu'elle était belle ma montagne ! Les forêts majestueuses, tous ces arbres de front, c’est une fierté nationale, mais à un point ! Mes amis autrichiens aiment tellement leurs sapins qu’ils ont toujours préféré brûler les juifs à la place. Alors vous pensez, moi sur les pistes, si je faisais chauffer mes planches ! J’ai toujours veillé à faire la différence entre schuss et anschluss, même quand on posait en faisant Heil ! à l'école de de ski. C'est peut-être pour ça que je skie vite et avec un style qui fait fureur...

Vivre un tel paradoxe n'est pas commun. Parfois, j'imagine si les Merah, Fofana, Kouachi, Coulibaly, étaient nés à Linz dans les années 20. Qu'auraient-ils fait devant le siège viennois de la SS en 1942 ? Voyez-vous le dilemme de ces garçons : courir pour fuir ou courir pour rejoindre ? Parfois, j'y pense, et je n'oublie pas, quand je marche dans la nuit autrichienne sous la voie lactée jaunissante.



mardi 30 décembre 2014

Criminoël

J'ai beaucoup d'affection pour cette période de l'année, cette fenêtre d'hystérie collective qui commence en novembre et finit en janvier. Du Marais à l'île de la Jatte, en passant par la place Jaude ou encore le centre de Vannes, et tout ce que la France et la Navarre comptent de malls, voici autant de laboratoires où l'on peut observer cette masse grouillante prête à tout pour se bousculer. Dans un compte à rebours hebdo-rythmé auquel aucun hérétique de songerait à se soustraire, un tsunami d'êtres (humains) déferle sur tout ce qui ressemble de prêt ou de loin à un point de vente, fût-il numérique, fût-il futile. C'est qu'il faut offrir, vous comprenez ? C'est obligatoire, sinon on passe pour un(e) vilain(e), un(e) qui exagère. Offrir, n'importe quelle merde, mais offrir, en s'auto-persuadant que ça nous fait plaisir. Ce ne sont plus des cadeaux, ce sont des offrandes faites au dieu Amazon et auxquelles participent quelques figurants qu'on verra le 24 décembre.

What a night... La grande bouffe et les petits cadeaux, la terre peut s'arrêter de tourner, ils ne rateront pas leur réveillon, fossilisés qu'ils sont dans la tradition comme un marron dans le cul d'une dinde. Il est de bon ton de pleurnicher, mais de loin, sur ceux qui restent seuls ce soir là. Les plus malheureux ne sont pas ceux qui sont seuls, mais ceux qui sont mal accompagnés. J'en ai rencontrés le lendemain. Allant courir sur l'île de la Jatte le 25 décembre, je m'amusai à slalomer entre ces troupeaux familiaux venus marcher mollement pour roter leur champagne tiède et diverses matières grasses concentrées en nombre dans les bûches de la soirée passée. Est-ce pour cela qu'ils avaient l'air irrité ? Sans doute car ils n'ont pu s'empêcher de nous faire gicler du Gaviscon plein la Jatte.

Il faut dire que la veille au soir, dans une sorte d'apothéose après les semaines de stress sus-évoquées, les verres ont fait gling gling, les rires étaient aussi gras que la bûche suce-doigts, les papiers ont fait tschr tschr, et 24% des remerciements furent forcés. Tout ça pour ça. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est une étude sérieuse relayée dans un article des Echos. Non qu'il s'agisse d'un scoop, mais de constater à quel point la revente de cadeaux est devenue un business, voire un phénomène de société, ça rendrait Woody Allen neurasthénique. Et l'on réalise que Criminoël est l'apologie de l'intention consommable. Des millions de gens qui se pressent par obligation, prêts à s'entre-tuer, pour offrir n'importe quoi à plus ou moins n'importe qui en se donnant bonne conscience au passage, c'est la victoire sans appel de la coalition formée par le consumérisme aplati et le désœuvrement affectif sur la noblesse du cœur. Peu importe, tagueule Nouf-Nouf, ils ne manqueront pas d'immortaliser ces instants avec le smartphone que Papy et Mamy viennent de leur offrir en larmoyant, oubliant que ce matin ils ont failli se battre pour une place de parking au centre commercial. Putain, et c'est même pas un iPhone...

A peine le temps d'avaler deux Oxyboldines, qu'un autre rituel se met en place. Mais celui-là, je ne reviens pas dessus, j'en ai déjà parlé sur les traces de Pierre, aussi j'éviterai de paraphradoter bonne année mon cul. Notons tout de même que l'on accueille l'année nouvelle avec un énième acte de défoulement sacrificiel, en déclenchant la Saint Barthélémy des sapins, dont les cadavres jonchent les rues de janvier. Quelle ironie, il y a plus d'un conifère à qui ça fout les boules.

Pour clore ce carême cérébral, viendra dans quelques jours une nouvelle bousculo-thérapie grâce aux soldes. En réalité ils ont déjà commencé mais chut. Claire Chazal et sa criiiiiise pendue aux lèvres ne manqueront pas de filmer les gogos qui dorment devant les magasins pour être les premiers à s'empiffrer d'articles inutiles. M'enfin, le bon côté des soldes c'est que pendant un mois on se rend compte qu'on se fait entuber le reste de l'année. 

Vous voulez me faire plaisir à Noël prochain ? Franchement, offrez-moi des slips, j'ai trop été dans les magasins.

mercredi 20 novembre 2013

Call of le ski

On est partis en retard, comme d'habitude. On essaie de se retrouver à une heure décente Porte d'Orléans, car on sait que la nuit va être longue au volant et courte au lit. On n'arrive jamais à tenir l'horaire, il faut finir le boulot avant de partir et les statistiques ne se démentent pas, c'est toujours dans ces moments-là que tout se cumule. Aaah!... La bourre, toujours la bourre... On finit par plier et on atteint l'autoroute à 20h. On est fatigués comme un jeudi soir, mais excités comme des puces devant un lapin vierge.
Vous avez compté combien de "on" jusque là ?
Armel prend le premier quart, je m'installe derrière et m'étale sous une couverture, c'est la première fois que je voyage à l'arrière de ma propre voiture. Un vis-ma-vie avec mes enfants, en quelque sorte. On discute de tout, de rien, mais surtout de tout. Pour s'extraire de Paris il faut un tire-bouchon, heureusement qu'on a de la bouteille. Le coffre est rempli de matériel glissant.

91, 77, 45, 89, 21. Passer Beaune et faire un baiser à la vigne hiverneuse de mes collines chéries. Les choses sérieuses commencent après Lyon. Cap à l'Est, à l'approche de Chambéry le sucre glace saupoudre les pentes, laissant présager que ça ne va pas être du gâteau. C'est la mi-décembre et la pellicule est vierge et fraîche. Le spot dans le ciel détache les silhouettes pré-alpines et l'on roule dans un camaïeu de bleu marine. Il faut vous imaginer dans l'atmosphère, avec le poids de cette fatigue souhaitée, presque complice, et Radiohead répondant magnifiquement à la lune bienveillante qui nous précède en éclaireuse. Les phares xénon c'est pour les frimeurs. Reckoner installe une ambiance que l'on pourrait, que l'on devrait filmer, paisible, concentrée et voyageuse. C'est notre road-trip d'ouverture, sur la route des pistes. En l'occurrence la route est devenue une piste, maintenant couverte par dix centimètres de poudre. Cette poudre-là, c'est comme une drogue.

Sorti de nulle part, un convoi d'espagnols fait naufrage sur la BAU. Dans une corrida inattendue, notre taureau noir fend un balai d'échoués clignotants qui installent leurs chaînes xanthophores dans ce halo d'orange et de blanc. Un balai d'essuie-glaces, une réaction en chaînes, si je puis dire. Il s'en passe des choses, There There. J'ai greffé des pneus hiver, ça nous permet de monter sur le blanc en neige, on n'est pas des bleus. Les trente kilomètres qui séparent Moutiers de Val Thorens sont un parc d'attraction, un Space Mountain au ralenti, un parcours délicieux que nous avalons seuls au monde dans un blizzard qui a laissé les copains et les inconnus déchaînés immobiles. La route est fermée, on en est à vingt centimètres de neige. 3h17 à l'horloge, la nuit s'annonce de la même couleur que la route : blanche. Une ascension en 4x4 à crampons, totalement assumé (le 4x4), même pas peur, on se partage les virolos, croisons un renard, en faisons un roman, nous rapprochons de notre troisième étoile. Telle est ma quête, suivre l'étoile.

La seule trace de vie à l'arrivée ce sont les anglois beuglants et fumants qui avalent leurs bières en t-shirt sur les terrasses. Il fait -13°C, nous sommes à 2.300 mètres. Pas de doute, ce ne sont pas des êtres humains. 4h47, déchargement terminé, les skis sont au casier, Everything in it's right place. Couchage initié, ça laisse deux heures avant d'aller croquer les pistes. 5h08, le téléphone sonne. Il faut retourner chercher les copains bloqués à Moutiers. Le sommeil peut attendre, la neige, moins.

Nous sommes collègues, confrères, concurrents parfois, mais surtout nous sommes potes. Nous ne raterions pour rien au monde ces trois jours sur nos planches et sous les radars. C'est un plan de mecs, dixit Gainsbourg. Un rite annuel, simple. Pas de chichis, pas de beauferies. Des garçons droits avec des skis paraboliques, qui malgré le rhum chauffeur de soirées ne se sentent pas obligés de meugler. C'est qu'on a le vin fin, nous, monsieur ! On descend vite et en silence, presque furtifs. C'est Call of le ski, le seul jeu vidéo que j'aime, parce que la console, c'est les Alpes, l'écran blanc de mes nuits noires, le seul univers où l'on est heureux que ça sente le sapin.

Un jour de décembre 2010, ils m'ont sauvé la mise, c'était un jour blanc. Dans un élan d'intégrisme skieux, j'ai voulu me faire sauter comme une bombe Atomic. Je n'ai pas vu que c'était un petit ravin, j'ai juste vu le sang sortir par ma bouche quand je me suis aplati tel une bouse à la chandeleur. Ils ont foncé, la barquette a pu me ramasser à temps, rouge sur blanc avant l'écran noir. Nous approchons la fin novembre, j'ai de la neige qui boue dans le sang.