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mardi 12 novembre 2013

Lapin glycéro

J'en ai encore reçu un aujourd'hui, un de ces courriers format A4 dont le poids vous fait dire que le prix des timbres aurait payé la perceuse que vous venez d'acheter chez Merlin l'emplâtreur. La simple vue du logo en relief sur l'enveloppe vous flatte l'ego en vous chuchotant que vous faites partie du club privé des happy fews de chez Trucffany, sentiment amplifié par la lecture de mon nom et de mon adresse calligraphiés. L'enveloppe satinée fait presque office de papier cadeau. La mise en scène postale est réussie.

N'osant pas déchirer cet écrin, je pratique une enveloppectomie à l'aide de ciseaux et sors un magnifique catalogue à la couverture imitation croco et aux pages si épaisses qu'à chaque fois qu'on en tourne une on a l'impression de sauter un chapitre. Osez Joséphine, c'est du luxe Valentine. Une sorte de peinture glycéro-sociale. A la réflexion, en peinture, en papier, en coton ou en tôle, le luxe c'est une question d'épaisseur. Ça se démontre facilement. Regardez les maisons qui se sont envolées comme des fétus de paille aux Philippines vendredi dernier, on voit tout de suite que c'est de la camelote. L'histoire des trois petits typhons se répète, encore et encore, c'est que le début, d'accord, d'accord. Le Nouf-Nouf qui est en moi voit rose et comme ce vilain cyclone a gâché un week-end prolongé qui s'annonçait sous les meilleurs auspices, ceux de Beaune, j'ai décidé de me plonger dans le catalogue de Truc pour oublier un peu toute cette misère. C'est vrai quoi, à peine a-t-on eu le temps de tirer la chasse sur les naufragés de Lampedusa qu'arrive la promo suivante de gueux, ça commence à me briser les boutons de télécommande.

Va pour un plongeon dans un océan d'insouciance. En quelques lignes, je me sens aspiré comme Alice dans le terrier du lapin. Une galerie de personnages tous beaux, photoshopés mais beaux, me regardent et me susurrent que je vais avoir le droit de faire des trucs eeeeexclusifs chez Truc mais surtout à la fin il ne faut pas oublier d'acheter des trucs parce que faut pas déconner non plus, comme en magie, il y a toujours un truc. Si le stéroïde egoïsant fait effet, vos glandes Amex vont passer un sale hiver. Vos paupières sont lourdes, vous vous voyez déjà en haut de l'affiche, cette montre au poignet, cheveux au vent, conduisant négligemment une magnifique Delahaye 135M Roadster aux côtés d'une mannequin improbable. Non, vraiment, improbable. Histoire de vous enduire le trou duc de stuc, et avec le sourire, on vous octroie royalement 20% de réduc ce qui quand on y réfléchit ramène le prix là où il aurait toujours dû être : à six fois le Smic. Mais moi, pas de bol, je suis fils de chirurgien et il me faut plus qu'un peu de Propofol pour m'endormir.

Clac ! Livre refermé, Delahaye pliée, je me délecte à décortiquer le mécanisme cérébral de ceux qui sniffent ce genre de volutes, celles que le lapin crétin souffle dans leurs narines pour les mener par le bout du nez. Mais dans le mien de nez, il y a des cristaux de moutarde qui montent, question de développement du râble. Les cercles de luxe en tous genres sont les filiales d'une seule maison mère, celle des idiots qui se regardent le nombril. Narcisse, tu as dû beaucoup forniquer pour autant te reproduire, oserai-je dire que tu as niqué comme un léporidé. A moins que ce ne soit l'inverse. A grands renforts de pipes, ton opium est devenu plus raffiné que tes fans.

C'est sec ? En avant pour la deuxième couche. De tous les clubs qui vous font croire que l'élégance s'achète et vous jettent le DNA de la brand (expression authentique utilisée par une marketeuse venue me former il y a des années) à la figure, l'un des plus actifs du moment est celui des calcéologues. D'avoir rassemblé trop d'ânes, il a fait des émules, à grands renforts d'épais catalogues et de ministres boiteux. J'en sais quelque chose, je suis inscrit aux anciens calcéologues anonymes. Voici venu le banc des petits marquis poudrés version 2013 qui se prennent pour des pointures et se pavanent entre la Madeleine et la rue Marbeuf vêtus en Monsieur Du Snob, dissertant doctement sur l'art de colorier le cuir. S'ils pouvaient sortir de leur corps pour se regarder marcher, nul doute qu'ils le feraient, en se courbant bien pour peindre leurs talons en rouge. Le dandysme c'est du ridicule qui gangrène, ça commence par vous prendre les pieds et ça remonte le long des jambes. Heureusement ce n'est pas trop contagieux. La preuve, il n'a pas atteint l’Éthiopie, laboratoire mondial de test pour toutes les pires épidémies. Dès lors comment ne pas déféquer sur le paillasson de ceux qui essuient leurs souliers point nets ? Et en même temps, comment ne pas pleurer en regardant l'état des chaussures de 90% des cadres ? Certains mangent du cirage pour briller en société, d'autres en privent leurs attributs les plus précieux. Le cuir s'assèche et laisse la peau à vif. Le luxe, une question d'épaisseur je vous dis.

lundi 29 juillet 2013

Mercat' fair foot


"On est à la fin du XXème siècle et les hommes sont toujours à vendre. Voilà une pollution morale qui me paraît plus importante que de savoir s'il faut mettre du détergent dans l'Escaut ou dans la Meuse". (Jacques Brel, 1971).

Grand Jacques, j'ai une mauvaise nouvelle : ça ne s'est pas arrangé en passant l'an 2000. Le mercato est devenu la norme, qui n'étonne plus personne tant elle a pénétré chaque souffle d'un air que nous connaissons, irrespirable...

Cavani rentre en scène pour 64 millions d'euros au PSG, dont Beckham vient de partir après trois petits tours et des larmes de crocodile. Que n'a-t-il sollicité Lacoste ! En décembre, on assistera à la valse des pilotes de F1. Ça, c'est pour la partie la plus évidente (par 'évidente', j'entends la plus atteinte), le sport, déjà évoqué ici. Le sport, ou le rapport tapin/maquereau mis au service du spectaculaire... C'est vrai quoi, le foot avant c'était ringard, ça ressemblait à Intervilles. Maintenant, ça ressemble à Intermarché, à la nuance près que les mercenaires ont remplacé les mousquetaires...

Sinon quoi ? Anne-Sophie Lapix est assignée par Canal+ parce qu'elle a signé chez France 5. En 2007, Eric Besson, ex-secrétaire national en charge des questions économiques du PS, annonçait son ralliement au camp adverse, vous vous souvenez sûrement du tollé que cela provoqua. Télé, sport, œnologues, professeurs, politiques, etc. Vous en voulez encore ? En 20 ans, la bactérie mercenariat a dévasté toute notre flore mentale. Le monde s'est staracadémisé. J'aimerais lui faire une ordonnance, et une sévère...

Le hublot de la télé n'étant jamais que celui d'une machine à laver le cerveau, attention aux tâches quand ça déteint sur la vraie vie, au travail par exemple. C'est plus subtil, décoloré, mais il reste toujours quelques auréoles. On parle pudiquement d'"attirer les talents". Au fait, c'est quoi les talents ? Un bon petit soldat des RH vous expliquera avec des mots choisis qu'un talent c'est un autre bon petit soldat qui exécute ici ou ailleurs en attendant qu'on le vire le jour où "on" aura décidé qu'il coûte trop cher (de préférence à partir de 50 ans, mais chuuuuut, je vous ai rien dit). Exemple : Bob Denard avait beaucoup de talents. Dans le civil, de nombreuses entreprises ont développé le concept de marque employeur pour se rendre si vilement attractives. La marque employeur est à l'emploi ce que les travelos sont au bois de Boulogne : une vitrine dont tout le monde sait que c'est du toc mais tout le monde ralentit quand même en passant devant. C'est combien ? Disons qu'il a fallu à l'homme 2,5 millions d'années pour traverser l'âge de pierre et 8.000 ans pour arriver à l'âge de la pipe. Si c'est pas de l'évolution... Zut Zazie avait raison à tous égards.

Est-ce par mimétisme, est-ce par osmose, est-ce pour absorber sa propre matière, la matrice nous digère et nous régurgite mercenaires. Nous voilà plongés dans un monde où tout se consomme parce que tout est jetable. De quel cul de poule mercateuse est sorti cet œuf pourri ? A moins que ce ne soit l'inverse.  Un problème avec Orange ? Pas de problème, je pars chez SFR. Ma banque refuse de renégocier mon emprunt sans une propale d'un concurrent ? Pas de souci, j'en fais faire une et puis tiens, je pars chez le concurrent. Mon employeur m'emmerde ? Claquage de porte, je pars chez un autre. Oups, y'en a plus ! Mais on ferait comment, alors ?  Aller dans le club d'en face, ou l'écurie, ou la chaîne, je ne sais plus. Quant à devenir self-employed, c'est se transformer en moucheron face au pare-brise d'un marché pluvieux. Et gare au mercenaire-garou qui, non content de présenter The Voice, peut vous mordre les nuits de pleine thune. Vous seriez envoûtés par l'esprit footballeur à tendance diva. C'est bien connu, c'est quand le chat est repu qu'il trouve que le cul de la souris pue. Le contrat moral est en cendres, qu'il repose en paix aux Marquises pendant que je me consume quand je m'auto-consomme.