Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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dimanche 30 août 2015

Des laits, des laits

A l'heure où des millions de migrants - nouveau mot journalistique pour décrire des réfugiés, eux-mêmes euphémismes pour parler de miséreux chétifs qui préfèrent boire la tasse et lécher nos poubelles que mourir dans un camion, et que quand on les sauve, on n'a pas la Légion d'Honneur - arrivent sur nos écrans pendant qu'on est à table, j'avais envie de vous parler de bouffe. Mais pas n'importe laquelle. La bouffe cool, citadine, qui nous parle comme à des cons potes. Celle que rien qu'en la regardant, on est de bonne humeur. Enfin, c'est ce qu'ils essaient de nous vendre, de la bonne humeur en bouteille.

Ils, c'est Michel, Augustin, Jérôme, Ferdinand et les autres. Avec leurs bouclettes, leurs barbichettes, leurs bérets et leur air Innocent, on leur donnerait notre estomac sans confession. Parce qu'ils sont à l'image de leurs cookies et de leurs smoufis, ils sont djeunes, ils sont beaux, ils sont biens, ils sont bios, on dirait les Minions de la bouffe, versions modernes du berger Capitoul. Et surtout, ils nous aiment. Si c'est vrai ! C'est marqué sur l'emballage. Pour mieux nous emballer, ils mettent que des bons produits qui font guili-guili dedans, des bonbons pour bobos à base d'oignons nouveaux, des bonobos. On se sentirait presque coupable d'avoir pulvérisé cette petite orange de façon si mécanique (enfin moi j'ai une excuse, je m'appelle Alex). Et cette banane !... Mère de tous les régimes, il ne lui manque qu'un prénom. Marie-Jeanne, ça irait ?

Ils nous cajolent, en faisant des blagues sur l'étiquette, ce qu'on appelle des blagounettes. Ce qu'elles sont drôles ! Aaah... Ce ton léger, ce faux cool parisien qui dégouline et se répand dans tous les linéaires. Il est très important pour eux de nous parler comme à des débiles. Limite ils nous tutoient en nous tapant sur l'épaule, c'est leur définition du cool. Prêts à toutes les bassesses marketing, ils ramènent leur fraise et ils passent à l'orange. Ils roucoulent pour que le cool coule. Ils nous proposent même de passer les voir. Ben tiens, je vais vous prendre au mot les mecs. Mais je ne viendrai pas seul. Il y aura Pete, Georgie, Dim et moi, des droogies pour des smoothies et on vous obligera à nous faire du Moloko+.

En bons businessmen, ils n'ont pas oublié de faire l'ESCP avant de mettre les gâteaux dans le four. Les ingrédients sont à gauche, la recette est à droite. Quatre hamburgés (en français dans le menu) accompagnés de quelques frites pailletées avenue Charles de Gaulle, 57€... Ferdinand m'a rempli l'estomac et siphonné le porte-monnaie. Il y a quelques mois j'ai croisé Augustin, oui, celui-là, au SIAL. Malgré son visage angélique, il m'a parlé sur un ton pas du tout bio. C'était même plutôt du fast-dégage. Bon , d'accord, j'étais venu parler de risque de fraude, mais quand même ! Bref, la texture de leurs slogans donne à leur purée un goût de vaseline.




Alors écoutez-moi un peu, pauvres nez-de-bœufs, toi le Jérôme, avec ta French bouffe, et toi, le Ferdinand... Me touche pas mon pote, sinon je te fricasse la tête jusqu'à la commotion céréale, service compris. Compris ?

jeudi 30 juillet 2015

Privé de voyage

Autant le dire tout de suite, le tourisme, c'est de la merde. Je sais, c'est une immense porte ouverte, mais elle grince dans ma tête depuis si longtemps qu'il me fallait la défoncer à tout prix. Et le prix justement, c'est la clé. Les sirènes des sites bidule-privé-point-com (cette manie d'être privé de tout !), qui attirent le chaland en vendant des voyages de riches à des tarifs de pauvres, ont pris le pouvoir. Ils ont cassé les prix, les autres ont tout compris grâce à cette formule digne d'Harry Potter, all inclusive. On voit le résultat sur les moldus.

Au terme d'un voyage nocturne et compressé dans ces bétaillères que sont les avions charters, les hordes aussi bruyantes qu'hébétées débarquent dans les lieux hauts de gamme qui, pour assurer la rentabilité, font des compromis sur la clientèle comme on ouvre les valves d'ajustement de pression dans un barrage. Pour tenir sa promesse dès l'aube, le palace doit se travestir en club Marmara. Le peuple migrateur inonde la place et soudain le lobby se remplit d'une ambiance de camping à laquelle il n'était pas habitué. C'est la vague du popu-l'eau qui sent le pastis.

On les reconnaît à plusieurs signes distinctifs, au premier rang desquels figurent, non, plus les claquettes Arena, mais les marques qu'ils arborent fièrement dès le premier petit déjeuner. Là encore, ça sent les sites promotionnels à plein nez, qu'ils ont dévalisés pendant les soldes dans l'unique but de se pavaner autour de la piscine tels des papagayos. Où que le regard se porte, à 360 degrés, vous n'échapperez pas aux accoutrements Superdry et Hollister, couleurs criardes et coupes approximatives, mais bon, faut comprendre, le Rana Plaza n'est pas fini de reconstruire. Cette année, les t-shirts Abercrombie&Fitch rasent les murs... Et l'on reconnaît les gens du Val d'Oise au marcel Jack&Jones qu'ils ont acheté au Marques Avenue de Franconville...

Ça contraste avec l'air désabusé et hautain des habitués du lieu. Ne vous laissez pas impressionner. Ce sont des Patrick Chirac en puissance, justement, avec plus de fric. Le test ultime, c'est la bouffe. Mettez n'importe lequel de ces individus face à un buffet, vous verrez qui il/elle est vraiment. Dans cette configuration, riche ou pauvre, on est tous le même animal, homo beaufus. Et les seuls qui grugent dans la queue, c'est qui, hein, hein ? Ben oui, c'est les français, vindicatifs et gueulards avec leur esprit "j'ai payé, j'y ai droit" que le front populaire a bien vissé dans leur adn. Même les italiens sont médusés.

J+1, après quelques étalages oléo-crémo-gélo-puants, les ados exhibent leur narcissisme boutonneux dans des maillots mini- ou maximalistes, mais toujours disproportionnés, pendant que leurs mères, quadras mures ou jeunes quinquas, se toisent dans un défilé de couleurs claires de femmes, dévoilant leurs vergetures, ou pas, selon qu'elles se prennent pour des égéries de chez Mixa Mémé.

J+2, on prendra soin de réserver son transat avant le petit déjeuner en posant quelque effet personnel dessus. Le summum du glauque.

J+X, on entamera les visites et autres circuits pour gogos. En bateau, en car ou en voiture, par leur unique présence, ils abîment tous les paysages. Le troupeau ne se perd jamais de vue et déferle dans les magasins qui les attendent à camelote ouverte.

Allez, courage, ça va durer 15 jours, vous êtes prévenus. Enfin... On est tout de même mieux dans cet hôtel penta-stellaire qu'à devoir se battre pour son mètre carré de sable pisseux à Palavas-les-Flots.

Le business du tourisme, c'est une arme de beaufisation massive. Finalement, cette fusion des genres entre un tourisme pour riches flattant l'ego d'une poignée de crétins méprisants qui croient que tout le monde a les moyens d'être insouciant, et l'illusion vendue au plus grand nombre, n'est pas illogique. Les uns paient pour de l'isolement, les autres immolent leurs économies pour entretenir leur cohue matricielle tout en lorgnant sur les goûts des premiers. A force de placarder toujours les mêmes photos sur les murs du RER depuis quarante ans, le tourisme est devenu un soft djihad, car s'empiffrer après l'abreuvoir pré-dînatoire est une religion. En route pour cette croisade moderne, façon de continuer à se bousculer, mais de son plein gré. Tout ça pour du sable.

Jean-Marc, tu nous manques.
Copyright Reiser, On vit une époque formidable, 1976


Bon, il faut que je vous laisse, il est 19 heures, le restaurant ouvre, j'y vais maintenant sinon il va y avoir du monde comme à midi une à la cantine.

mercredi 1 juillet 2015

Je retiens un (plaidoyer pour un manager)

C'est la saison des évaluations de fin d'année. J'aime bien cette période, tout le monde est dans l'expectative et cache plus ou moins habilement sa fébrilité en attendant le fin mot, qui en général est un chiffre, et pour certains le mot de la fin. De manière quasi-inexorable, l'issue du process creuse le fossé entre le manager et ses équipes (j'adore les gens qui disent "mes équipes", ça fait tellement plus important que "mon équipe", on croirait qu'ils dirigent des légions romaines) tant ces dernières vivent comme une injustice absolue de ne pas être à l'école des fans. Sauf évidemment quand le premier s'entoure de sbires, comme c'est le cas du mien. Il a sbires, il est clanique, Sbire 2000, Sbire 2000... Dans le monde du travail tout est affaire de bandes, comme dans les cours de récré et les tombeaux égyptiens, j'y reviendrai, en attendant Bring me the network king.

S'agissant de réseaux, on trouve le reflet de cette mièvrerie salariale sur les pages de Linkedin qui dégoulinent d'incantations plus ou moins pleurnichardes envers cette créature chimérique appelée "Leader". Moi, le dernier leader que j'ai vu à la télé, il s'appelait Maximo et il ne m'a pas donné envie de fumer des havanes. Mais à Manageland, le boss est un vilain, le leader est un gentil. Ce qui pose implicitement le postulat que tous les managés sont des gentils. Qu'un nombre incalculable de managers, pardon, de chefs d'équipes, soient des névrosés professionnels voire des pyschopathes avérés qui déversent des hectolitres de stress sur leurs subordonnés, ce n'est pas tout à fait faux. Dire qu'ils le sont tous, c'est encore moins vrai. Promenons-nous un peu dans les couloirs...

Il est de bon ton, aujourd'hui, de décrire le mideul manadjeur comme le contremaître du XXIème siècle. Quelque part entre Koh-Lanta et Caméra Café, il est en version industrielle, ce que le peloton est au Tour de France, ce que le sous-officier est à l'armée : un élément clé du dispositif qui accepte ce rôle ingrat de ciment des troupes, tout en sachant qu'il n’accédera jamais au poste de commandement malgré le D qui entretient cette illusion dans le grade sur sa carte de visite (DAF, DSI, DRH, voire même Dégé). A ce titre il ne faut pas confondre celui qui a commencé tout en bas de l'échelle et qui est arrivé tout en haut, avec celui qui arrive au milieu et qui restera collé dans ce ventre mou toute sa vie extra-utérine. Le manager est un médiateur inlassable entre actionnaires et salariés, ces peuples voués à s'entendre comme un poisson avec une bicyclette. Comme son homologue alcoolique, l'adjudant de bureau vit au contact permanent des hommes et femmes du rang, qu'il est chargé de maintenir dedans. Et cela, ça sert d'os comme dirait le chien du curé. En effet, encadrer une équipe relève du sacrifice le plus pur, de l'abnégation totale, du don de soi absolu. Le frêle "é" d'"écarteur anal" sépare ménagement et management. Car si les salariés sont une engeance, la plainte est leur religion. Qu'un individu normalement constitué leur soit jeté en pâture avec la casquette de chef, armé d'une simple veste que certains prennent et d'autres retournent, et le défilé se met en place... Blanche-Neige a ses sept nains, le manager, aussi...

Grincheux, souffle mieux que personne sur les braises de la mauvaise volonté, quoi qu'on lui dise, quoi qu'on fasse. Il affiche obstinément cette posture aussi bourrue que puérile, il est passé directement de la cour de récréation au staff (cela-dit, y a-t-il vraiment une différence ?). Du coup il ne veut plus travailler avec Prof pour une histoire d'agrafeuse empruntée et pas rendue.

Timide est résigné, il ne prendra jamais parti, n'a jamais d'opinion, à la différence de la Joconde il n'aime pas s'exposer. Il regarde ses pompes quand ça chauffe en réunion, mais n'en pense pas moins et régurgitera tout à la cantoche, le gars vise con.

Atchoum, qui est toujours en arrêt maladie, surtout si on lui fait remarquer qu'il est souvent en arrêt maladie.

Prof, il maîtrise, mais c'est con, il s'écoute parler et ça gâche tout.

Simplet, ce collaborateur si sympathique qui adore le foot et les afterworks.

Dormeur, facile à détecter en réunion, souvent ce chercheur dort.

Joyeux, il fait des blagues, il est formidable.

Le privilège du manager, c'est qu'il a du bonus :


Fayot, qui se frotte sur sa jambe et rit à tous ses bons maux. Fayot est un chorégraphe, qui maîtrise comme personne l'art de se placer.

Délégué du personnel, qui interjectera toujours de bonnes raisons de ne pas faire ce pour quoi il est payé au motif qu'il nous fait déjà une grande faveur de s'être déplacé sur son lieu de travail. C'est Grincheux, mais piquousé à l'idéologie moyenâgeuse, de l'auberge on n'est pas sortis.

Belle ingénieure, du genre jolie et docteure en statistiques, elle est bonne et en plus, elle est bonne, changeons d'univers, c'est la schtroumpfette. Cela lui vaudra d'être quoiqu'elle fasse, le pot à ragots, l'aimant à jalousie, la Maintenon du bureau. L'ennui, c'est que parfois, c'est vrai et l'ingénieure devient ingénue.

Je pourrais continuer, avec Carrément Méchant, Jamais Content, Bordélique, Aigri, Distrait, Glandeur, Psychologiquement Fragile, Grande Gueule, Magueule, Langue de Pute, la famille est étendue et consanguine.

Dans ce maelström d'humanité distordue, notre chefaillon a directionnellement un rôle de méchant puisqu'il n'est pas là pour dire oui à toutes les doléances dont il est abreuvé dix heures sur 24. Parfois, la réalité est vicieuse qui met plus d'un responsable en situation cornélienne. Un Vipi, équivalent corporate du Grand Stratéguerre, lui tient à peu près ce langage : "tu vires 3 personnes dans les 2 mois, ou alors c'est toi qui est viré". Rigolez, c'est arrivé près de chez vous. A peine le temps de souffler dans ce bureauthlon, le voilà danseur du ventre si l'un des bons lui tend sa démission, juste un peu plus tôt que prévu.

Alors regarde, regarde un peu, toi le salarié énervé qui ne voit le monde qu'à travers le hublot étriqué de ta capsule ombilicale, et souviens-toi que dans l'océan du travail les créatures aux habits sales encaissent plus de pression hyperbare que toi.

"People with ties are people who are not smart enough to make money with normal clothes".

mercredi 15 avril 2015

Alexpiration

Parfois on va chercher très loin des choses qui résident sous nos yeux, des évidences si présentes qu'on ne les calcule plus. Dans ma quête cervantesque pour raser les crevards de tout poil, j'ai parcouru le monde, exploré, défriché, démasqué, souffert, pris sur moi, essuyé. J'ai subi les taxis parisiens, les journalistes et les consultants. J'ai pointé du doigt des idiots exotiques en mal de castings et des sportifs manchots, alors que la pire espèce qui peuple ce monde est juste là, tout contre moi, posée sur mon cœur. Elle est tapie dans ma poche, nous passons nos journées ensemble. Elle a tellement peur que je l'oublie qu'elle a laissé sa carte dans mon portefeuille. Bleue, dorée ou noire, cette carte a toujours la couleur de la vaseline, c'est celle de ma banque. On dit que le plus vieux métier du monde est la prostitution, c'est faux : pour exister elle avait besoin d'argent. La banque est le premier maquereau de l'histoire.

Mais la comparaison ne s'arrête pas là, même si je réfute l'idée de mettre les banques au même niveau que les putes, car avec les putes, au moins, on s'amuse en se faisant vider les bourses. Et puis on paie avant, pas après. Cependant voilà le paradoxe, dès que la banque entre en jeu, rien ne va plus, c'est une sorte de partouze financière qui se met en branle, avec votre commercial conseiller dans le rôle de DSK et vous dans le rôle de Jade, le cul à découvert et le fun en débit différé. 

Evidemment, rien de tout cela ne paraît en surface. Dans la banque, on est sérieux, on affiche cette posture de notable de province pour masquer la culotte sale cachée dans le coffre. C'est qu'il faut avoir l'air respectable pour parler d'argent. En général, ça commence de manière très feutrée, avec une cravate. Pour peu que vous possédiez trois francs six sous, vous verrez s'illuminer l’œil opaque de votre commercial conseiller, excitation qui se manifestera par une prise en main de son organe sensible, la calculatrice. Il la caressera jusqu'à ce qu'elle crache une flaque de taux sur un contrat. Contrat qui, bien roulé, prend la forme d'un dildo dont le nom local est assurance-vie. Moi j'appelle ça des placements Spéculoos : c'est enrobé d'un super packaging et à la fin on ne récupère que des miettes. A force d'écouter ses mots abscons qui ressemblent à ceux des médecins que Molière décri(v)ait, j'ai toujours trouvé drôle qu'il m'appelle Monsieur alors que je ne suis pour lui qu'un taux d'intérêt qui parle. Tais-toi donc, Alex, range ton revolving, ça va encore te coûter des frais de gosier. Après tout il ne s'agit que d'acheter de l'argent.

Mais ça, c'était avant. Maintenant que l'escompte m'est compté, je vois en face de moi... Personne, et à la place j'entends des serveurs vocaux me chanter un vibrant hommage à Zebda et à leur célèbre formule : "je crois que ça va pas être possible". Le comble pour une banque, c'est de vous laisser pour compte. Alors il m'arrive de rêver d'évasion avec ma conseillère, je l'imagine sur sa chaise baissée. Peut-être que finalement je trimballe le fantasme inavouable de me faire une pute sur un lac près de la frontière suisse ? Mais qui d'autre qu'elle peut m'amener sur les rives du bel agio ? Et puis pour elle, ce serait facile, elle a tellement de congés qu'elle va plus vite en posant des semaines de travail.

Quand ce qui devrait être le poumon de l'économie se contente de recycler sciemment les liquidités en circuit fermé, cela s'appelle un PIB-ocide. La FED, la BCE et la Banque de France (intermittente du spectacle inter-bancaire), telles Flora, Pâquerette et Pimprenelle, gesticulent pour tenir éloignés les taons à taux qui vampirisent sang pour sang (merci Johnny) des flux au lieu de polliniser. Quelle chance que d'être un parasite sans prédateur.

Trêve de jérémiades ! Je n'ai pas besoin de rêver d'une banque, j'ai déjà trouvé la banque idéale, celle qui me proposera de financer ma pierre tombale avec un taux d'enfer et sur laquelle sera inscrit : "ici repose Alexagère, expiré le 15/04/20??, date de valeur 1er octobre".

dimanche 12 avril 2015

Odette

Aujourd'hui je bouscule l'agenda, car, pour la deuxième fois en peu de temps, un événement survient qui me bouleverse. La première fois, c'était le 7 janvier, déjà à cause d'un prénom.

Hier, je mettais la touche finale à ma prochaine exagération, et puis, à la bourre comme toujours, nous dûmes partir à un anniversaire dans le quartier. Petit comité, vins et fromages, chat mignon et enfants sages, everything in its right place. Elle était là, au milieu de ce banc amical, toute souriante. Avec une gouaille lumineuse et un humour dévastateur, elle posait des questions franches et directes tout en faisant quelques allusions à son vécu. Du haut de son mètre soixante et de ses bientôt quatre-vingt printemps, Odette dénote dans le climat habituel de ce genre de fête. Moi, j'adore. En plus elle m'a dit franco que j'étais beau mec, alors vous pensez, j'ai fait le plein d'ego pour les 40 ans qui viennent.

Odette peint. Au fil des verres et de la conversation, elle nous invite à visiter sa maison, dans l'arrière-cour de l'immeuble. Le petit groupe descend l'escalier et nous nous retrouvons dans son jardin. A chaque pas, on réalise que l'on entre dans un lieu particulier, un endroit chaleureux, un cocon. Les toiles enchevêtrées dans son atelier rayonnent de joie, de couleurs, de textures. Des styles, des tailles, des thèmes différents, avec pour fils conducteurs la beauté et la vie. Sa dernière toile, faite à la fourchette, me reste dans la rétine. C'est une ode au bonheur. Au détour d'une question de sa voisine, Odette revient sur ses débuts de peintre, et sur les étapes précédentes. La première de ces étapes, c'était l'orphelinat où elle s'est retrouvée à 4 ans parce que ses parents ont servi de combustible à un fabricant de fours allemand établi en Pologne. Elle me tend le livre qu'elle a écrit, me demande de bien lui rendre, c'est le dernier qui lui reste. Je n'en dirai pas plus, d'abord par pudeur, ensuite pour éviter de la jeter en pâture au marchand d'ananas qui se fera une joie de gueuler partout que les juifs revendiquent le monopole du génocide. 

Merci Odette, pour votre gaieté, votre appétit de vie, merci de m'avoir rappelé, juste en étant vous-même, que mes petits bobos de bobo cadre quadra ne sont que des verrues de l'âme, merci d'avoir ouvert votre cœur dans ce monde où il est de bon ton de jouer au gros dur. Sur le chemin du retour j'ai pleuré, en étant heureux de vous savoir tout près de chez moi et en me promettant de vous écrire ces quelques mots.

mercredi 1 avril 2015

A poil

A toi qui m'as précédé aujourd'hui dans la douche des vestiaires, je voudrais rendre ce vibrant hommage. Je tiens à préciser en introduction que j'ai fait l'armée, et que je ne suis pas bégueule, ni maniaque, enfin, pas plus que Desproges. Mais voilà qu'un certain atavisme médical et un goût prononcé pour l'hygiène ont repris le dessus et me poussent à répondre avec ma plume à ton abandon de pelage.

Tout avait bien commencé. Nous rentrions de notre petit trot méridien, les uns et les autres papotaient en grappes sur le banc. Comme il y avait du monde, chacun attendait son tour pour l'atelier lavage. Le mien arriva enfin et je me dirigeai vers le jet tant attendu, tout nu dans ma serviette, qui me servait de pagne, j'avais le rouge au front et le savon à la main, quand vint une vision, mais pas dans l'eau de Seltz...

D'abord, j'ai cru à une blague. Après tout, on est le 1er avril et il y a une bonne bande de potaches dans ces quelques mètres carrés. En découvrant la forêt de poils qui jonchait le receveur, j'ai pensé que tu avais couru avec ton ours. Pourquoi pas, c'est un excellent moyen de faire des fractionnés s'il n'a pas mangé depuis trois jours. Mais non, l'ours est dans sa cage et les chattes sont de l'autre côté du mur (oui, je suis un potache comme les autres). Les hypothèses fusèrent. Peut-être t'es tu roulé dans quelque substance irritante, peut-être as-tu confondu le tube de Veet de ton épouse avec ton flacon de Mennen-qui-pue ? Peut-être as-tu mué, tel le bison au printemps ? Ton slip t'a-t-il tant irrité que ce fût l'hécatombe dans le bush tout le long de ton SIF(*) ? Bah, à quoi bon réfléchir ?

Moi qui ne supporte pas de voir l'un de mes poils se promener en liberté, imagines-tu mon désarroi lorsque je pénétrai la cabine ? La vision de ce tapis de moumoute fraîchement tombée me fit vaciller. Que faire ? Filmer, pour prouver que la réalité dépasse Alexagère ? Las ! Mon smartphone n'étant étanche qu'aux appels chiants, il dormait tranquillement dans mon bureau. Poser le pied dessus ? Le poil mouillé est un lubrifiant bien connu, et à peine rentré de ma course, je n'avais pas envie de me casser la golèche. Et puis moi, les champignons, c'est dans les omelettes que je les aime. Ressortir et t'appeler eût été tentant, mais tu serais capable de dire que ce sont les miens ou ceux d'un autre, et il n'y aurait plus qu'à faire un constat ou appeler les Experts-Neuilly-sur-Seine pour une comparaison scientifique du nombre de vrilles. Je finis par prendre mon courage et le pommeau de douche à deux mains, et fis ce petit geste simple que tu avais malencontreusement zappé. Un siphon, font, font, trois petits poils de quéquette, et je bénis cette bonde qui avala sans sourciller le tourbillon de vilains vermicelles.

Une chose est sûre : au Salon du Poil, tu as le plus beau stand et ton oubli est entré au Panthéon des velus sales de bain. Et dire que nous sommes collègues ! Et dire que notre grand Cabinet vend de l'excellence ! Heureusement qu'il ne vend pas du carrelage. C'est donc en toute logique que j'invoquerai Malraux pour te donner mon conseil : va chez Leclerc et achète de l'acide, avec son cortège d'émanations dans le sous-sol qui pique, entre ici gros malin, avec ton terrible cortège...

(*) SIF : Sillon Inter-Fessier