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mercredi 1 juillet 2015

Je retiens un (plaidoyer pour un manager)

C'est la saison des évaluations de fin d'année. J'aime bien cette période, tout le monde est dans l'expectative et cache plus ou moins habilement sa fébrilité en attendant le fin mot, qui en général est un chiffre, et pour certains le mot de la fin. De manière quasi-inexorable, l'issue du process creuse le fossé entre le manager et ses équipes (j'adore les gens qui disent "mes équipes", ça fait tellement plus important que "mon équipe", on croirait qu'ils dirigent des légions romaines) tant ces dernières vivent comme une injustice absolue de ne pas être à l'école des fans. Sauf évidemment quand le premier s'entoure de sbires, comme c'est le cas du mien. Il a sbires, il est clanique, Sbire 2000, Sbire 2000... Dans le monde du travail tout est affaire de bandes, comme dans les cours de récré et les tombeaux égyptiens, j'y reviendrai, en attendant Bring me the network king.

S'agissant de réseaux, on trouve le reflet de cette mièvrerie salariale sur les pages de Linkedin qui dégoulinent d'incantations plus ou moins pleurnichardes envers cette créature chimérique appelée "Leader". Moi, le dernier leader que j'ai vu à la télé, il s'appelait Maximo et il ne m'a pas donné envie de fumer des havanes. Mais à Manageland, le boss est un vilain, le leader est un gentil. Ce qui pose implicitement le postulat que tous les managés sont des gentils. Qu'un nombre incalculable de managers, pardon, de chefs d'équipes, soient des névrosés professionnels voire des pyschopathes avérés qui déversent des hectolitres de stress sur leurs subordonnés, ce n'est pas tout à fait faux. Dire qu'ils le sont tous, c'est encore moins vrai. Promenons-nous un peu dans les couloirs...

Il est de bon ton, aujourd'hui, de décrire le mideul manadjeur comme le contremaître du XXIème siècle. Quelque part entre Koh-Lanta et Caméra Café, il est en version industrielle, ce que le peloton est au Tour de France, ce que le sous-officier est à l'armée : un élément clé du dispositif qui accepte ce rôle ingrat de ciment des troupes, tout en sachant qu'il n’accédera jamais au poste de commandement malgré le D qui entretient cette illusion dans le grade sur sa carte de visite (DAF, DSI, DRH, voire même Dégé). A ce titre il ne faut pas confondre celui qui a commencé tout en bas de l'échelle et qui est arrivé tout en haut, avec celui qui arrive au milieu et qui restera collé dans ce ventre mou toute sa vie extra-utérine. Le manager est un médiateur inlassable entre actionnaires et salariés, ces peuples voués à s'entendre comme un poisson avec une bicyclette. Comme son homologue alcoolique, l'adjudant de bureau vit au contact permanent des hommes et femmes du rang, qu'il est chargé de maintenir dedans. Et cela, ça sert d'os comme dirait le chien du curé. En effet, encadrer une équipe relève du sacrifice le plus pur, de l'abnégation totale, du don de soi absolu. Le frêle "é" d'"écarteur anal" sépare ménagement et management. Car si les salariés sont une engeance, la plainte est leur religion. Qu'un individu normalement constitué leur soit jeté en pâture avec la casquette de chef, armé d'une simple veste que certains prennent et d'autres retournent, et le défilé se met en place... Blanche-Neige a ses sept nains, le manager, aussi...

Grincheux, souffle mieux que personne sur les braises de la mauvaise volonté, quoi qu'on lui dise, quoi qu'on fasse. Il affiche obstinément cette posture aussi bourrue que puérile, il est passé directement de la cour de récréation au staff (cela-dit, y a-t-il vraiment une différence ?). Du coup il ne veut plus travailler avec Prof pour une histoire d'agrafeuse empruntée et pas rendue.

Timide est résigné, il ne prendra jamais parti, n'a jamais d'opinion, à la différence de la Joconde il n'aime pas s'exposer. Il regarde ses pompes quand ça chauffe en réunion, mais n'en pense pas moins et régurgitera tout à la cantoche, le gars vise con.

Atchoum, qui est toujours en arrêt maladie, surtout si on lui fait remarquer qu'il est souvent en arrêt maladie.

Prof, il maîtrise, mais c'est con, il s'écoute parler et ça gâche tout.

Simplet, ce collaborateur si sympathique qui adore le foot et les afterworks.

Dormeur, facile à détecter en réunion, souvent ce chercheur dort.

Joyeux, il fait des blagues, il est formidable.

Le privilège du manager, c'est qu'il a du bonus :


Fayot, qui se frotte sur sa jambe et rit à tous ses bons maux. Fayot est un chorégraphe, qui maîtrise comme personne l'art de se placer.

Délégué du personnel, qui interjectera toujours de bonnes raisons de ne pas faire ce pour quoi il est payé au motif qu'il nous fait déjà une grande faveur de s'être déplacé sur son lieu de travail. C'est Grincheux, mais piquousé à l'idéologie moyenâgeuse, de l'auberge on n'est pas sortis.

Belle ingénieure, du genre jolie et docteure en statistiques, elle est bonne et en plus, elle est bonne, changeons d'univers, c'est la schtroumpfette. Cela lui vaudra d'être quoiqu'elle fasse, le pot à ragots, l'aimant à jalousie, la Maintenon du bureau. L'ennui, c'est que parfois, c'est vrai et l'ingénieure devient ingénue.

Je pourrais continuer, avec Carrément Méchant, Jamais Content, Bordélique, Aigri, Distrait, Glandeur, Psychologiquement Fragile, Grande Gueule, Magueule, Langue de Pute, la famille est étendue et consanguine.

Dans ce maelström d'humanité distordue, notre chefaillon a directionnellement un rôle de méchant puisqu'il n'est pas là pour dire oui à toutes les doléances dont il est abreuvé dix heures sur 24. Parfois, la réalité est vicieuse qui met plus d'un responsable en situation cornélienne. Un Vipi, équivalent corporate du Grand Stratéguerre, lui tient à peu près ce langage : "tu vires 3 personnes dans les 2 mois, ou alors c'est toi qui est viré". Rigolez, c'est arrivé près de chez vous. A peine le temps de souffler dans ce bureauthlon, le voilà danseur du ventre si l'un des bons lui tend sa démission, juste un peu plus tôt que prévu.

Alors regarde, regarde un peu, toi le salarié énervé qui ne voit le monde qu'à travers le hublot étriqué de ta capsule ombilicale, et souviens-toi que dans l'océan du travail les créatures aux habits sales encaissent plus de pression hyperbare que toi.

"People with ties are people who are not smart enough to make money with normal clothes".

lundi 29 juillet 2013

Mercat' fair foot


"On est à la fin du XXème siècle et les hommes sont toujours à vendre. Voilà une pollution morale qui me paraît plus importante que de savoir s'il faut mettre du détergent dans l'Escaut ou dans la Meuse". (Jacques Brel, 1971).

Grand Jacques, j'ai une mauvaise nouvelle : ça ne s'est pas arrangé en passant l'an 2000. Le mercato est devenu la norme, qui n'étonne plus personne tant elle a pénétré chaque souffle d'un air que nous connaissons, irrespirable...

Cavani rentre en scène pour 64 millions d'euros au PSG, dont Beckham vient de partir après trois petits tours et des larmes de crocodile. Que n'a-t-il sollicité Lacoste ! En décembre, on assistera à la valse des pilotes de F1. Ça, c'est pour la partie la plus évidente (par 'évidente', j'entends la plus atteinte), le sport, déjà évoqué ici. Le sport, ou le rapport tapin/maquereau mis au service du spectaculaire... C'est vrai quoi, le foot avant c'était ringard, ça ressemblait à Intervilles. Maintenant, ça ressemble à Intermarché, à la nuance près que les mercenaires ont remplacé les mousquetaires...

Sinon quoi ? Anne-Sophie Lapix est assignée par Canal+ parce qu'elle a signé chez France 5. En 2007, Eric Besson, ex-secrétaire national en charge des questions économiques du PS, annonçait son ralliement au camp adverse, vous vous souvenez sûrement du tollé que cela provoqua. Télé, sport, œnologues, professeurs, politiques, etc. Vous en voulez encore ? En 20 ans, la bactérie mercenariat a dévasté toute notre flore mentale. Le monde s'est staracadémisé. J'aimerais lui faire une ordonnance, et une sévère...

Le hublot de la télé n'étant jamais que celui d'une machine à laver le cerveau, attention aux tâches quand ça déteint sur la vraie vie, au travail par exemple. C'est plus subtil, décoloré, mais il reste toujours quelques auréoles. On parle pudiquement d'"attirer les talents". Au fait, c'est quoi les talents ? Un bon petit soldat des RH vous expliquera avec des mots choisis qu'un talent c'est un autre bon petit soldat qui exécute ici ou ailleurs en attendant qu'on le vire le jour où "on" aura décidé qu'il coûte trop cher (de préférence à partir de 50 ans, mais chuuuuut, je vous ai rien dit). Exemple : Bob Denard avait beaucoup de talents. Dans le civil, de nombreuses entreprises ont développé le concept de marque employeur pour se rendre si vilement attractives. La marque employeur est à l'emploi ce que les travelos sont au bois de Boulogne : une vitrine dont tout le monde sait que c'est du toc mais tout le monde ralentit quand même en passant devant. C'est combien ? Disons qu'il a fallu à l'homme 2,5 millions d'années pour traverser l'âge de pierre et 8.000 ans pour arriver à l'âge de la pipe. Si c'est pas de l'évolution... Zut Zazie avait raison à tous égards.

Est-ce par mimétisme, est-ce par osmose, est-ce pour absorber sa propre matière, la matrice nous digère et nous régurgite mercenaires. Nous voilà plongés dans un monde où tout se consomme parce que tout est jetable. De quel cul de poule mercateuse est sorti cet œuf pourri ? A moins que ce ne soit l'inverse.  Un problème avec Orange ? Pas de problème, je pars chez SFR. Ma banque refuse de renégocier mon emprunt sans une propale d'un concurrent ? Pas de souci, j'en fais faire une et puis tiens, je pars chez le concurrent. Mon employeur m'emmerde ? Claquage de porte, je pars chez un autre. Oups, y'en a plus ! Mais on ferait comment, alors ?  Aller dans le club d'en face, ou l'écurie, ou la chaîne, je ne sais plus. Quant à devenir self-employed, c'est se transformer en moucheron face au pare-brise d'un marché pluvieux. Et gare au mercenaire-garou qui, non content de présenter The Voice, peut vous mordre les nuits de pleine thune. Vous seriez envoûtés par l'esprit footballeur à tendance diva. C'est bien connu, c'est quand le chat est repu qu'il trouve que le cul de la souris pue. Le contrat moral est en cendres, qu'il repose en paix aux Marquises pendant que je me consume quand je m'auto-consomme.