Bienvenue sur Alexagère

Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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samedi 27 octobre 2012

"M'a tuer" m'a tuer

Comme le tissu, les lunettes et le parfum, le langage a ses modes. Elles devancent, illustrent ou suivent les époques. Au gré d'un fait divers, d'un néologisme, d'une action marketing, d'un dialogue de film ou d'une antonomase, elles déclenchent un élan frénétique de répétition et galvaudage d'un mot, d'une expression ou d'une onomatopée. Avant que ledit mot soit fondu dans le langage courant et reconnu par l'Académie, ou pas, on en boit jusqu'à outrance. C'est bien cet excès de laisser-aller beaufisant que je pointe aujourd'hui, et non le mécanisme de fond qui structure l'évolution naturelle de tout langage.

Les causes sont diverses. Les buzzwords créés de toute pièce par des Séguéla de pacotille (pléonasme) pour vendre in fine de la camelote sont une chose (voir la page Wikipedia qui décrit le phénomène), les purs effets de style en sont une autre. En écrivant ce billet, je me suis aperçu que la toile est très bien documentée sur le sujet. Au fil des ans, j'ai noté quelques-uns de ces modaux mots pour les partager un jour.

Tout le monde, ou presque, se souvient de François Mitterrand répondant avec sa fausse spontanéité caractéristique à Yves Mourousi qu'il était câblé. Ca m'avait accablé... Pour les plus jeunes, c'est .

A la fin des 80's, les journalistes ont une apparition : le mot sporadique. Ils nous le servent matin, midi et soir. Ce mot a meublé, ponctué, conclu un nombre incalculable de reportages et d'articles. Pourquoi ? Franchement, je n'en sais rien, mais je me souviens de cette overdose pas du tout sporadique.

Un peu plus tard, dans les années 90, on pointait la mise en scène de la vie quotidienne en disant d'une personne qui en faisait trop : "il/elle est en représentation permanente". Ce commentaire, c'est la cerise sur la langue de vipère. Constant comme le goût de l'humain pour critiquer autrui, il mue comme une sorte de fil rouge. Aujourd'hui, on parle volontiers de posture. Quelle imposture !

1993, millésime du Okaaaaayyyy de Jacquouille la Fripouille. J'en ai encore des acouphènes. A la même époque, le domaine alimentaire fût un grand fournisseur d'ingrédients verbaux. Il y eut la malbouffe de José, et le mot food/fooding décliné à toutes les sauces. Ca, on en a mangé du fooding.

2000, les invasions barbares, la nouvelle économie arrive et avec elle un nouvocabulaire déferle sur le monde. Le Net et sa horde de mots sauvages prennent le pouvoir. Les bourses chutent, les mots lestent nos langues de langueurs monotones.

2008 fût marquée par l'honorable revival de l'accent Ch'ti. Au bout d'un moment, il s'en est fallu de peu que je tarte le 50.000ème Biloute. Concomitants, les dérivés chimiques comme liberticide m'auraient presque fait rire s'ils n'avaient pas drainé la stupidité de la récupération politique.

En commentaire de football : très en vogue à l'heure actuelle, le "il cherche une solution". Ca fait bien, ça fait consultant technique. En fait, le mec qui a le ballon regarde autour de lui si un autre mec de son équipe est libre pour recevoir une passe.

On parle beaucoup, aujourd'hui, de gouvernance de tout et n'importe quoi. C'est fou comme un mot qui sonne peut cacher le manque de fond de ceux qui le prononcent. A les écouter, il faudrait que je définisse la gouvernance de ma machine à expresso... Aujourd'hui toujours, le ou pas marche très bien. Si bien d'ailleurs que j'ai cédé à la tentation quelques lignes plus haut. Le haut du pavé également pour vintage, si boboïsante manière de dire ancien ou d'occasion. J'en ai le cerveau lavé comme un jean vintage.

Aaaah, un que je ne pouvais pas rater : le "merci Omar", plus connu sous la forme "xxx m'a tuer". Est-il un article, un titre, un bon mot, qui ne s'est pas laissé aller au m'a tuer de service ? Devenu le chouchou de l'expression de ras-le-bol, m'a tuer m'a tuer. Si seulement l'expression avait existé à l'époque du petit Grégory...

And the winner is... Le gagnant, le mot des mots, the mother of all expressions is... Le BUZZ !! Cette façon néo-pompeuse de dire bouche-à-oreille a envahi nos bouches et nos oreilles justement, en sous-traitant une grande partie du lien bucco-auriculaire à un flux électronique.

S'il vous plaît, faites-moi plaisir et faites un peu de buzz sur ce billet.

2 commentaires:

  1. J'ajouterais, à cet excellent billet, que TROP c'est trop.
    Tout est TROP, aujourd'hui, dans la bouche des buzzés, des smartphonés, des téléréalitéés (...).
    TROP bruyant, TROP instantané, TROP réel.

    TROP c'est le papa du buzz.Et le fiston a de qui tenir.

    Même "t'es TROP con" perd son statut d'euphémisme.
    Etre très con, ça sent l'insulte mais être trop con sonne presque comme un compliment.

    A eux deux, buzz et trop résument assez bien la société actuelle.Et même les patrons s'y mettent:"Vous êtes TROP payé, pas d'augmentation cette année, faite le buzz".

    Et comme le disait Pierre Desproges:
    "Je me heurte parfois à une telle incompréhension de la part de mes contemporains qu’un épouvantable doute m’étreint: suis-je bien de cette planète? Et si oui, cela ne prouve-t-il pas qu’eux sont d’ailleurs?"

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  2. Je note toutefois que tu as évoqué le "trouver une solution" alors que nous savons tous aujourd'hui qu'on dit solutionner...
    Alexagère m'a tuer...

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