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Opinions tranchées, points de vue partiaux, caricatures iconoclastes, analyses simplistes, expressions à l'emporte-pièce, conclusions hâtives...
Des avis sur tout mais surtout des avis. Taquin mais pas moqueur, écorché mais pas donneur de leçon, provocateur... De rires je l'espère.
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lundi 14 octobre 2013

Quarante-deux secondes de gré


Un an pile. Un an que j’ai commencé à écrire des bêtises, pardon je corrige : à les mettre en ligne. Quarante-deux articles en un an, c’est un peu plus qu’un par semaine d’aménorrhée pour accoucher à l’aide de ma souris. Pas de quoi en faire un fromage, sauf quand je fais un bris de mots.

Au gré de l’air du temps, du temps que j’ai, du temps qu’il fait, les idées se bousculent, elles font rarement la queue ces petites bêtes-là. Certains textes écrits en dix minutes, d’autres en plusieurs mois, le jour, la nuit, en salle de travail, sous la douche… Il n’y a pas de règle (normal, pour une aménorrhée…) si ce n’est celle de faire sourire les visages qui se posent sur ces lignes. A commencer par le mien.

Merci à vous, lecteurs de passage ou habitués. Merci pour vos messages, vos commentaires, vos critiques qui me permettent de progresser, même celles qui traduisent l'insoutenable capacité de certains êtres à plafonner au premier degré. Merci pour vos encouragements qui me touchent. En un an vous avez été nombreux à m’écrire, pas loin de 13.000 à me lire depuis tous les continents. Je n’ai récupéré qu’un troll qui m’a demandé d’arrêter d’écrire. J’ai une mauvaise nouvelle pour lui. Je continue.




samedi 12 octobre 2013

Mega America Podridura (soft sailing)


Ce soir de septembre 2013, toute la KeyArena de Seattle est constellée de 17.000 lucioles. Il est venu faire son discours d’adieu. Avec son polo jaune citron et sa dégaine de beauf homérique, il est difficile de croire qu’il a présidé à la destinée de la Corporation pendant treize ans. Il est là et nous offre un grand moment comme seuls ou presque les homéricains savent le faire. Il est coutumier du fait, son double septennat est ponctué de beuglements scéniques plus ou moins stridents et toujours sudoripares. Pour avoir participé à des dizaines de conférences de ce genre dans différentes maisons mères, je confesse que ça fait son petit effet-mère. On est vite porté par la démesure des moyens déployés, par l’enthousiasme contagieux des américains, par l’effet de masse. Et le fond ? Peu importe. On est les meilleurs, on va tous les niquer. Qu’est-ce qu’une conférence d’entreprise sinon une entreprise de propagande ? Ce soir, donc, mélangeant allègrement le show, la pleurnicherie et le business, à grands renforts de musique héroïque, il dit merci, fait ses yeux de repentance. Quoique. Ça rappelle un peu Jean-Luc Lahaye et son émission dégoulinante de pathos, mais en version Star Wars. Leur point commun : ils chantent Débarquez-moi, chacun à sa manière. Les larmes de crocodile du gros Steve essaient de faire oublier à ses fans qu’il part sur un échec, c’est ce que disent les journaux. C’est partiellement vrai tant il n’a pas réalisé que, depuis six ans au moins, le monde n’est plus gouverné par les pc (pour les plus myopes, je précise : j’ai écrit « par les pc » et non « par la technologie »). Comme quoi on peut avoir un caractère de T-Rex et ne pas être darwinien, la préhistoire se répète.

Huit cents miles au sud de Seattle, pendant que le cool Steve coule et se répand en bribes de mots d'excuse, son copain Larry le psycho-botoxé se marre. Sa conférence à lui, elle s'appelle OpenWorld. Il n'a pas pu y aller beaucoup, il tirait des bords avec son bateau avion. WaterWorld en quelque sorte. Il a la banane (normal, sur un catamaran) et vante ses voiles dont chaque centimètre carré représente quelques milliers de bases de données vendues. C'est curieux chez les marins, ce besoin de faire des bases. Y'a quelque chose qui ne tourne plus rond au royaume de la briganderie logicielle. Encore une coupe, America ? Oui, mais de champagne ! L'empire du soft a du plomb dans la fenêtre. Peut-être est-ce parce que la fenêtre a atterri entre nos mains, peut-être est-ce par osmose d'O/S morose. Il fait des ronds dans l'eau mais il ne fédère pas. Les geeks idéalistes du fond du garage d'hier sont devenus les empereurs d'aujourd'hui, détenteurs de la toute-puissance webesque. Ils ont commencé par essayer de tuer des tas de Jobs. D'une certaine manière, ils ont réussi.

Il y a 35 ans, le plus grand carton du western spatial faisait l’apologie de rebelles opprimés par l’Empire galactique. Aujourd’hui, une super-puissance pourrie de surendettement envoie ses drones aux couleurs de Starbucks Coffee pulvériser des insurgés de plus en plus sioux arborant les couleurs de… Ah ben je vois pas les couleurs, y’a une burqa par-dessus. Coincé entre la burqa noire et la burqa stars & stripes, voilà notre avenir enveloppé dans une sale brume, façon nuit et brouillard... Le voile des uns sous la voile des autres. Oui vraiment, la préhistoire se répète et l'oracle n'a rien vu venir. Ou plutôt si, mais il s'en foutait, il avait mis les voiles. Un géant paralysé, ça pourrait finir par un shutdown à la Gulliver. Quand on sait ce que signifie « yahoo » dans l’univers de Gulliver, on se dit que la boucle est bouclée.

De notre côté de l’atlantique, nous n'avons rien à craindre. Les neuneus lilliputiens qui nous gouvernent perpétuent quelques bonnes vieilles habitudes qui servent de ligne Maginot à notre village. Celle de pisser un cocktail à base de jus de morale, de racines libertaires et de mousse humaniste sur ceux qui confondent leurs prochains. Celle de copier tout ce que font les Stazunis, mais vingt ans après et mal. Un ministre à grande gueule (pléonasme... Quoique, j'ai vu Hamon l'autre jour à la télé, je me suis souvenu qu'il était au gouvernement. Il y a des gens comme ça, tellement charismatiques que quand on les voit on joue malgré soi à "mort ou pas mort ?") s'énerve à la télé après les vilains capitalistes qui font rien qu'à délocaliser. Les vilains capitalistes du pneu et du métal, ceux-là mêmes dont il singe le patriotisme, lui répondent et lui font pan-pan cul-cul devant tout le monde. Même pas peur ! Moins il y a de sites, plus il y a de Sith ! Ben oui Arnaud, l'appareil industriel, c'était il y a vingt ans qu'il fallait le préparer. Le monde ne t'a pas attendu. Arnaud rêvait d'un sabre laser, on lui a donné un cure-dent. Heureusement, le ministre a confié à la fine fleur de l'informatique made in France la mission de nous sauver. Il n'y a plus qu'à louer Bercy d'ici un an, il y a 17.000 places disponibles.

mercredi 25 septembre 2013

Mémoire de Reine

Il est des personnes qui, au détour d’un couloir, d’une phrase de rien du tout, vous redonnent foi en l’espèce humaine et renvoient au bestiaire tous les R'as-al-Ghul à poils longs qui veulent nous persuader que tout ira mieux après un bon génocide.

J’ai vécu la semaine dernière une expérience aussi touchante qu’édifiante. C’était le lendemain de la soirée des anciens de l’entreprise où je travaille. C’est marrant les soirées d’anciens. On alumnise, on vient observer l’adultitude qui se dépose sur nos rides respectives parfois respectées. On discute en penchant maladroitement la tête pour lire le badge d’Untel que l’on connaît mais dont on a oublié jusqu’aux données de base. Il y a ceux qui viennent et il y a ceux qui comptent. Ceux-là, naturellement, vous ne les verrez pas, c’est nous qu’on va les chercher pour les appeler cher ami et leur dire oui oui tout à fait on est en phase je te fais une propale ce soir pas de souci je comprends que tu sois obligé de faire un appel d’offres. C’est le festival des phrases creuses et des mots en –ing : networking, speed dating, zapping. Un bal de papillonnages et d’évitements courtois envers ceux qui grenouillent et cherchent un job, hop, trois petits fours et puis s’en vont. Ce millésime était pour moi spécial, car étant récemment revenu dans cette entreprise où j’ai commencé ma carrière, j’avais le statut appréciable d’ancien ancien. Un ancien carré en quelque sorte, mais sans la cote d’un mètre carré dans l’ancien.

Le lendemain de cette soirée aux figures plus imposées qu’imposantes, je déambulais entre deux bâtiments avec cet air occupé des gens réfugiés dans leurs pensées pour éviter de dire bonjour. Je dépasse une silhouette féminine, frêle et fumante, les volutes du café qu’elle tient à la main semblant s’échapper de ses cheveux. Alors que je la contourne, j’entends « Tiens, [mon prénom mon nom] ! Comment vas-tu ? Alors tu es revenu ?! ». Pétrification instantanée. Un éclair de honte me foudroie. Une fois retourné je suis retourné. Reconnaître quelqu’un au bout de vingt ans, ce n’est pas donné à tout le monde. Dans son cas, c’est spectaculaire. Elle est standardiste. Elle connaît tous les numéros de postes par cœur, des milliers. Lorsque, moussaillon, j’embarquai sur ce navire, nous étions deux mille, et par un prompt renfort du destin et de quelques acquisitions bien ficelées nous voici sept mille en arrivant au port de la croissance. Certes, à l’époque, le plateau de mon équipe jouxtait le standard, et l’on se croisait. Mais tout de même, combien de pompons de pimpins a-t-elle vu défiler ? Moi, simple moucheron sur le pare-brise du temps qui passe, elle m’a reconnu. Mes yeux ont eu besoin d’essuie-glaces.

Bien avant notre époque d’iMaturité, où parler à un être humain quand on contacte une entreprise est devenu un luxe, le standard était quasiment la seule interface vivante entre une organisation et le monde extérieur. Une vitrine de l’entreprise, disait-on. Force est de constater que la sienne a résisté au tsunami de serveurs vocaux. Elle pilote son cockpit d’une rafale de doigts sur le clavier, et vous passe n’importe quel poste en moins de quatre secondes (véridique). Elle a gagné la réputation d’avoir le meilleur standard à mille kilomètres à la ronde. Elle s’appelle Reine, je ne résiste pas à la facilité d’écrire qu’elle fait honneur à son prénom, et même qu’elle a la classe royale. Pour appeler Paris, passez par Reine, de grâce n’appuyez pas sur dièse, elle mérite quelques lignes.

jeudi 19 septembre 2013

Fée confiance


L'un de mes amis proches, que j'appellerai A., m'épate depuis tant d'années. C'est un garçon intelligent, sensible, délicat, cultivé, drôle, bien de sa personne, qui a énormément de cartes en main pour être heureux. Pour une raison que des décennies d'amitié n'ont pas réussi à tirer au clair, il est totalement dépourvu de confiance en lui. A moins qu'un atavisme ashkénaze avéré n'ait fait de lui un artisan de l'auto-flagellation cher à Paul Watzlawick. A un point tel qu'il s'est auto-sabordé à plusieurs moments clés de sa vie. Son cas est une source intarissable de questionnement et parfois de colère, lorsque l'actualité nous inonde d'histoires malheureusement vraies où des crétins de tout poil réussissent à accéder au cockpit sur la seule foi de leur bagou et de leur aplomb et ce malgré une pauvreté d'esprit digne d'un chroniqueur télé. Il y en a même qui dirigent des pays. 

Que dire en effet de ces énergumènes empouvoirés qui au crépuscule de leur quinquade, se comportent plus que jamais comme des gamins dans une cour de récré ? Ce serait amusant si ces types n'avaient pour sacs de billes les manettes du déficit ou les codes de la force nucléaire. Si tu sors tes gros calots, je vire mon soldat, tu tires contre le mur, bang, ah non, pardon, j'ai pris un vent, t'as des gaz. De la Sibérie à la Mésopotamie il n'y a qu'un fil de marionnettiste. Peut-être est-ce leur raison d'exister que de tenir le plus pitre, regardez la Berlusconie. Las ! Occupons-nous de notre tonneau des Danaïdes, pour le reboucher il eût fallu des ébénistes, nous avons eu des énarques. Des énarques ou l'art et la manière de vénérer un diplôme à base de posture à une époque où l'imposture nous véner. Vous voulez vérifier, achetez-en un, il y a une promo chaque année. Vous verrez que dans ce purin d'élite, il n'y a pas beaucoup de Fleur qui poussent. Sans rire, voilà une engeance qui transpire la confiance suffisante et comme si ça ne suffisait pas, nous demande la nôtre tous les cinq ans. Des vampires de confiance, en quelque sorte. Brrr.

Elle est belle et fragile comme une biscotte dans l'assiette d'un parkinsonien. Et elle a décidé de faire cocus tous ceux qui l'ont draguée juste pour qu'elle leur lèche les urnes. Vendeurs d'espoir, écouteurs professionnels, marchands d'amis. En 2008 elle a claqué la porte. Ils n'avaient rien vu venir. Elle nous a laissés tout seuls dans notre slip, avec notre PIB et notre brosse à dents. Pour paraphraser Prévert, on reconnaît la confiance à la crise qu'il fait quand elle s'en va. Nous voilà démunis, perdus, nous complaisant dans ce bordel et regardant ce chômage qui augmente comme la vaisselle dans un évier de célibataire. Elle squatte temporairement chez des amis mais chacun sait que ça ne peut pas durer. Elle devra partir, trouver un refuge, un domicile fixe. Parfois elle est tentée d'aller voir son dealer. Un shoot de fanatisme et la voilà travestie en jeune vierge dévouée à la cause de la bombe humaine qu'elle attend au paradis en sirotant des bloody-marys. Se faire sauter par un kamikaze, c'est moche, mais ça la soulage. L'horreur hypnotise tellement de gens, ceux qui la déploient et ceux qui la regardent.
Réveil.
Very bad trip.
Elle traverse une crise existentielle. Un comble, la confiance n'a plus confiance en elle. Comment lui faire comprendre, lui redonner de la consistance ? Je l'ai observée, avec conscience. Comme on regarde un escargot escargoter, comme on admire un policier péver. Je voulais voir si elle pouvait faire quelque chose pour mon ami et je me suis aperçu qu'à trop se donner elle a fini par se vider de sa propre substance. Elle a tout pansé et personne n'a pensé à elle, on  se retrouve comme des cloches en train d'implorer quelque chose qu'on a siphonné. Un syphon, font, font.

Si le texte du jour est divisé en trois petits paragraphes, c'est parce que j'ai depuis fort longtemps un ADN de tiers de confiance.


dimanche 8 septembre 2013

Six semaines sous un rocher

Ce n'est pas la star des créatures dites intelligentes, dont je suis de plus en plus tenté d'exclure les hommes, mais un animal que j'ai longtemps apprécié autour d'un barbecue. Deux yeux, 3 cœurs, 8 tentacules, 9 cerveaux et pas de squelette. Je suis, je suis... Le poulpe ! De vieilles traditions imbéciles persistent à le rendre tantôt synonyme de terreur, relégué au même rôle que le charcharodon qui pourtant ne mange qu'un surfeur par mois, tantôt icône de la mafia. Sans oublier Paul le poulpe et Jules Verne, qui ont fini de le ridiculiser et d'agrandir le trou dans le déficit de son image.

Je vous accorde qu'il n'incite pas au baiser. Et pourtant ! S'il y a des hommes-grenouilles dans la salle ils savent à quel point le monde hyperbare est porteur de grâce. L'observation régulière de ce céphalopode au cours de plusieurs plongées, puis la vision d'un superbe documentaire dans Thalassa, m'ont ému et ont alimenté cette boucle infinie qu'est le questionnement sur la définition de l'intelligence. J'avais envie de le partager ici.

Le film nous apprend que les poulpes ne se reproduisent qu'une fois dans leur vie, et que la mère se sacrifie pour protéger et ventiler sa progéniture pendant les six semaines d'incubation. Elles attend que les bébés sortent de leur œuf pour se laisser mourir. Le petit poulpe aussi naissant qu'orphelin repart donc à zéro, n'ayant aucun parent pour lui transmettre les bases de la vie et lui expliquer qu'un mérou plus gros que lui, ça fait mal. Tout au long de son existence, il utilise donc son potentiel cognitif comparable à celui de l'être humain pour apprendre. Et il y parvient haut la main si l'on en croit les résultats des nombreuses expériences scientifiques sur le sujet. Le sort de la maman poulpe est une belle leçon d'abnégation, de don de soi pour la survie de l'espèce. Une belle leçon que nous nous garderons d'amener sur le terrain de la morale, mais elle en dit long sur notre capacité à gaspiller.

Nous avons la chance d'hériter du savoir des générations précédentes. Nous avons atteint un degré de sophistication technologique qui nous pousse à nous regarder le nombril numérique, à nous gargariser d'avoir inventé le big data et sa cohorte de péta-octets. Et pourtant, de génocide en génocide, l'homme ne sait plus quoi inventer pour accélérer l'extinction de la sienne, d'espèce : bombe H, Mediator, G20, Big Mac. Pour un euro de plus, je vous offre une GoPro pour tout filmer. Ne soyons pas naïfs, les canons de la géopolitique sont fumants d'amnésie lorsqu'il s'agit de monopoliser les ressources rares de la planète. Et puis, épuisés, les vieux schnocks qui possèdent les fonds d'investissement qui possèdent les multinationales qui possèdent vous et moi sont beaucoup plus préoccupés par la panne de leur voiturette de golf - déambulateur le plus en vogue à Miami, où il y a également beaucoup de poulpes dans les marinas - que de transmettre le savoir aux générations suivantes.

Entre un animal aussi pacifique qu'atlantique, qui ne peut capitaliser sur sa mémoire transgénérationnelle, et un animal d'orgueil qui a tous les moyens de retenir les leçons du passé mais qui balance le devoir de mémoire dans les charniers débordants de cadavres, j'hésite. Comment les départager ? Voyons, si l'octopus est victime du bug d'héritage qui fait de lui une sorte de Sisyphe des mers, il a gagné le pouvoir de mimétisme. Je n'ai pas encore croisé un poulpe qui en déteste un autre parce qu'il est noir, jaune, rouge, qu'il a le tentacule circoncis ou qu'il a traversé la mer Méditerranée. Alors, je vote poulpe, j'aurai moins de coulpe.

Il n'y a qu'une chose qui m'ennuie avec le poulpe. C'est que c'est quand même vachement bon en salade, avec un verre de retsina.

vendredi 30 août 2013

Laurence, Paul et Mick

La lecture d’un article dans mon tabloïd préféré m’a bien fait rire. On y apprend que Laurence P., de Paris, va devenir polémiste dans une célèbre station de radio. Polémiste… Ah, le joli mot !… C’est quoi au juste un(e) polémiste ? Un(e) journaliste qui écrit des polèmes ? L'enfant de Ptolémée et d'un ébéniste, mais sans la science des deux ? A en croire les exemples récents, c’est plutôt un individu agressif ayant un QI d'escargot et payé pour baver des injures au kilomètre sur quelqu’un qui ne lui a rien demandé. C’est sympa comme boulot, ça. Polémiste, ce n’est même pas un néologisme, c'est encore un de ces mots à la con parce qu'à la mode. Cela existe depuis bien longtemps, mais le pamphlet d'autrefois laisse place à des guillonneries, la vindicte populaire sous-traite à la vindicte délétère. Désormais il/elle ressemble plus à un Terminator qu’à quelqu’un qui utilise la provocation pour nous faire réfléchir. Las ! Réfléchir, c'est désobéir, exercice de tir, tout(e) invité(e) s'appelle Sarah Connor et se pointe affublé d'un tilak. L'arrivée de Laurence illustre la mutation du T101 au T1000 en alliage poli, mime-éthique.

Peut-être que des décennies d’obséquiosité courtisane à l’égard des puissants font culpabiliser l’engeance journalistique au point qu’elle se sent obligée, pour faire mine de se rattraper, de sombrer dans l’excès inverse.
Bousculer, c’est bien. Vous voyez messieurs-dames, chez nous y'a pas de connivence.
Ben voyons.
Jeter du people en pâture au populo, c’est top pour le 'dimat. C’est un exutoire, un jeu comme un autre, de l’entertainment en somme. Ça ou un match de foot. Allez Invité, reviens, c’était pour rire !

Ou bien peut-être que vingt ans de politiquement correct nous ont tellement anesthésiés que la moindre objection, votre honneur, nous apparaît comme la controverse du siècle. Je me souviens de Droit de réponse et de ses célèbres pugilats en direct. Polémique à l'époque s'écrivait avec deux cocards. Mais alors me direz-vous, c'est contradictoire : c'était plus virulent avant et aujourd'hui tu critiques le retour de la virulence ?
Non.
Avant, c'était virulent mais franc du collier. Aujourd'hui, à l'instar de ce qu'on bouffe, c'est beaucoup plus visqueux, les toreros et toreras audio-visuels ont une vésicule biliaire en guise de muleta.

Peut-être encore fallait-il renouveler le genre chroniqueur d’émission de télé/radio (les deux genres ont fusionné depuis l'installation de webcams dans les studios de radio). A force de pulluler, ils finissent en déchets. Alors au nom de son côté miroir (mais quel côté ?), la télé commande de nouvelles têtes. Pour un bon casting, vous prenez une posture bien arrogante, bien teigneuse, et vous faites votre Brice de Nice, mais en pas drôle. Dans le Naulleau, y’a que de l’ego, zéro calorie pour le cerveau !

La différence entre la bande à Laurence et ceux d’avant, c’est que les newbies sont issus du sérail politique. Cohn-Bendit, Bachelot, Bougrab… C'est Friends 2.0. Mitterrand c’est pas pareil, il vient de la télé et il est puni, il y retourne.
Est-ce pour garantir et consolider cette complicité viscérale, ou au contraire la faire exploser par des agents infiltrés dans la matrice ? Sainte consanguinité, priez pour nous. Accordons-leur toutefois deux qualités. D'abord, avant de devenir corbeaux, ils ont été renards. Ensuite, on sait ex ante de quel bord ils sont. Ce sera rigolo de voir s'il tiennent en équilibre sur un plateau.

jeudi 29 août 2013

Dessablé mucho


Si le mois d'août à Paris ensable autant les engrenages de la machine urbaine que les berges de la Seine, cette dernière semaine a une saveur particulière. A vrai dire, c'est elle, la semaine qui concentre tous les fantasmes que j'avais éconduits tel un automobiliste frustré d'être privé de récré. Une poignée de jours, presque d'heures, où les parisiens ne sont pas encore tous rentrés, où les touristes ne sont pas encore tous partis, où les travaux commencent à finir et où, loin de la vilaine torpeur du début du mois, il fait beau mais juste assez pour accompagner le crépuscule de la gratuité du stationnement. D'où le théorème : quand les congés sont payés, les places sont gratuites. C'est une douce pré-rentrée, une belle sortie de bain où l'on profite vraiment des bénéfices aoûtiens en respirant le parfum du goudron neuf.

Il ne le restera pas longtemps. Dès la semaine prochaine, nous pourrons dire en chœur cette phrase culte : "ça y est, ils sont tous rentrés". Ce ils tonne dans la chambre que nous croyons avoir construite autour de nous quand nous sommes au milieu d'une foule dense dont, par magie, nous ne faisons pas partie car nous, c'est pas pareil. La grégaritude nous enveloppe et cet ils-lusoire et frêle anticorps linguistique joue son rôle en boutant notre ennemi, c'est-à-dire le type dans la voiture de gauche et celui dans la voiture de droite, autrement dit le stéréo-type.

Du ils aux elles, sans passer par -M-, il n'y a qu'un atoll, elles sont si habiles pour alléger leurs étoles. C'est la semaine du concours de bronzage, à se demander si les cinquante et une semaines qui précèdent et les cinquante et une qui suivent ne sont pas qu'un exercice de répétition pour cette îlot de beaux jours où leurs atours s'effacent (les atours qui s'écroulent, c'est du déjà vu). Les terrasses sont pleines et les robes sont légères sur les peaux caramélisées au sel de Guérande. L'air de rien, semblant que c'est pas exprès, ou parfois si, c'est un moment de délicieuse coquetterie féminine et ça nous pique les yeux. Merci aux fées de faire de nous des Abel Tiffauges envahis par ce "vertige féminin que le destin vous envoie pour vous faire succomber". Une légèreté souvent payée au prix fort d'un Paris-Toulon en dix-huit heures, mais ça valait la peine. Pour trouver le spot où sa peau dorera, l'exploratrice-chercheuse dort.

Je savoure ce répit dans la tectonique des hémi-stress de l'année. Regarder, respirer, lire, réfléchir, marcher, boire la bière que j'ai ramenée des vacances parce que c'est la meilleure du monde, courir, sourire en lisant ceux qui annoncent la fin de la crise (ne dites plus 'économiste', dites 'Houdini'), pleurer en pensant aux banques centrales, admirer la lucidité de Margerie. Cette quiétude éphémère est le petit espace privilégié avant de rentrer dans l'espace-temps du pas-le-temps. Lundi commencera la semaine du concours de celui qui débronze le plus vite, nous redeviendrons des clowns blancs.