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dimanche 18 novembre 2012

Entrée, plat, désert

S'il est de bon ton de critiquer à tout-va les parisiens, il faut aussi savoir leur rendre justice. J'ai rencontré autant de gros cons dans toutes les régions de l'hexagone que dans les vingt arrondissements. Pour autant il est un moment, une situation particulière, un symbole, qui marque la vie de tout vrai parisien. C'est le passage obligé vers la quintessence de ce côté petit marquis poudré et ridicule, le Rubicon de la branchitude usée et usante, la perpétuation de notre culture nombriliste : les dîners parisiens. Je pense en particulier aux dîners professionnels ou semi-professionnels, car les dîners entre amis ne sont pas des dîners mais des moments de vie et de sérénité. Je les exclus de facto du périmètre. De même, je n'adresse pas les dîners de la Champion's League qui réunissent le gotha du pays, mais ceux de la fédération intermédiaire, "qu'aimerait bien avoir l'air, mais qu'a pas l'air du tout".

Se rendre à un DP, c'est aller passer un scanner social. Je dirais même que ça ressemble à un Grand Prix de Formule 1 : le démarrage est stratégique. Lors de votre arrivée, qui en marque le départ, il faut être suffisamment bien placé sur la grille pour se faire remarquer, mais pas trop quand même, sinon vous êtes grillé. Il y aura des duels, des joutes verbales, des accélérations, des courbes, et c'est souvent lors du freinage que vous aurez le plus de chances de dépasser un concurrent et peut-être, de prendre la tête... de votre entourage. Jusqu'au drapeau à damier, c'est une course d'observation où la victoire appartient à ceux qui obtiennent la meilleure part dans le gateau de l'estime sociale. Car tel est l'arrière-goût de tous les plats. A tel point qu'avec beaucoup de justesse et un cynisme hors norme, une émission de télévision a pris le parti de synthétiser ces molécules sapides et de les diffuser à grande échelle. Un dîner presque parfait érige en modèle cet état d'esprit et le bouillon d'hypocrisie qu'il fait couler dans chaque casserole. Si moi j'exagère, je ne sais pas ce qu'il faut dire de M6. L'émission structure le concept autour de trois axes : la cuisine, le décor et l'ambiance. Concentrons-nous sur la troisième dimension.

Pour la conversation, misez sur des thèmes classiques et culturellement consensuels. Exemple : moyenne sur l’autoroute et points sur le permis. Assaisonnez avec quelques poils de Coyote et servez à la sauce "tout' façon, maintenant, on peut plus rouler". Ben oui, c'est dingue, on se retrouve contraints d'être civiques, quelles conneries ces radars ! Voilà pour le warm-up, le tour de beauf.

Si vous sentez que ça prend, vous pouvez passer au stade exotique, ça relèvera le niveau de l'entrée. Pour cela, misez sur l'utilisation du « là-bas » pour parler d’un ami à l’étranger. Effet garanti : l’ami étranger rend plus de service que l’ami Ricorée. Il permet de se faire mousser en racontant à l'envi la vie de cet expatrié qui a un quotidien de pacha et du personnel dans sa maison de Mexico. Par capillarité, c'est un peu comme si c'était vous. Dans le même registre, je ne peux m'empêcher de parler de New York dans un petit aparté qui mériterait un billet à lui seul...

Je suis toujours amusé par la fascination que New York exerce sur les parisiens. Paradoxalement, ils se targuent d'habiter la plus belle ville du monde, mais se vantent dès qu'ils le peuvent d'avoir traversé le Brooklyn Bridge. New York ça marche toujours très bien, même encore en 2012 alors que l'on pourrait croire le concept éculé, tant les français sont à la 5ème avenue ce que le pétrole est à la Bretagne : une pollution inhérente (pardon au bretons, mais ça me fait marée...). Savez-vous quelle est la deuxième langue la plus parlée à Central Park ? L'anglais, juste derrière le français. Tendez une ou deux perches en faisant allusion à NY et il y aura toujours un couillon qui mordra à l'hameçon. Evoquer la grosse pomme, c'est mettre du Red Bull dans l'attention et la considération que les convives vous apportent. Dire qu'on y va, qu'on en revient, qu'on connaît quelqu'un qui, c'est fabriquer en direct live le dessert le plus glamour de ce dîner : le Manhattan Melba. Il dépasse même la meringue de Los Angeles, certes glorifiante mais avec des seins en plastique et un Johnny gâteux qui en rend l'effet amer. 

Revenons à Paris, que vous connaissez dans ses moindres recoins. La dernière expo, le dernier restaurant branchouille, et tous les trois-étoilés de la capitale... Comme une bonne vaseline, vous rentrez partout. Toutes les relations citées par les invités sont de près ou de loin vos potes ou vos subordonnés, vous êtes un réseau social à vous tout seul. Pensez à la phrase de Cocteau et gardez en réserve des paroles critiques sur ces sujets, ça vous donnera l'air pionnier.  En guise d'airbag utilisez votre application Wikipedia mobile pour toute référence culturelle sur laquelle bien entendu, vous aurez un avis. Rien ne vous échappe, rien ne vous étonne, dans cette farandole de fanfarons à défaut de fromages.

Pendant les moments creux, vous smartphonerez plus ou moins discrètement pour décrire votre ennui par sms ou par Twitter. Il est très important que votre réseau - encore - sache que vous êtes au-dessus du niveau local. Attention toutefois, le procédé est galvaudé et vos remarques pourraient même revenir par effet boomerang sur l'iPhone de votre voisin.

Vous me direz : tout ça est bien joli, mais il n'y a pas qu'à Paris que la danse sociale sévit. Ce n'est même pas le propre de l'homme, car la plupart des êtres vivants se jaugent lors d'un premier contact afin de se positionner dans la pyramide de la meute. Certes, de Perpignan à Strasbourg en passant par Clermont-Ferrand, le même esprit renifleur s'invite et s'infiltre dans l'air ambiant. Mais Paris surpasse tous les univers par son côté Roi Soleil, convaincu que ce qui ne commence pas par 75, ou à la limite 92, sent la bouse ou au mieux, la petite bourgeoisie de province. Monsieur Dali, vous n'étiez pas au courant, mais la gare de Perpignan n'est pas le centre du monde !

A la fin de la soirée vous pourrez vous lâcher un peu en vous lamentant sur cette vie de shadok mais vous préciserez très vite que demain, vous enchaînez trois comités importants. Le lendemain justement, n'oubliez pas de débriefer afin de mesurer votre score et de vous faire rassurer : n'ayez crainte, vous avez plus assuré que celui d'en-face.

Vous êtes libre mercredi soir prochain ?

1 commentaire:

  1. Rhâââââââââââââââ Lovely

    et encore, je me retiens

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